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COURT
INTERMÈDE DE CHARME
AU MILIEU DE L’HORREUR


Dimanche 1er juin.

Depuis trois ou quatre jours, je suis en service sur la côte de la mer du Nord, pour des questions de défenses anti-aériennes, circulant de Boulogne à Calais et Dunkerque, en ce moment très bombardés. Il fait un temps exquis et rare ; sur les plages de cette mer froide, les jours se suivent, tièdes et lumineux, comme si l’on était au bord de la Méditerranée ; tout est éclairé en splendeur, et jamais mois de juin n’a commencé dans un rayonnement plus pur.

J’ai dormi cette fois à Dunkerque, — bien entendu, dormi sur le qui-vive, — à l’hôtel des Arcades ; mes fenêtres aux vitres cassées donnent sur la grande place où trône la statue de Jean Bart, et toute la nuit, au-dessus de ma tête, ces grosses phalènes bourdonnantes que sont nos avions de veille ont dansé leurs rondes dans le ciel plein d’étoiles. A présent une fraîche lueur un peu rose envahit lentement ma chambre ; l’heure de la mort est donc vraisemblablement passée ; l’ennemi nous aura sans doute épargnés au moins jusqu’à demain. Il doit être quelque chose comme quatre heures ; l’aube d’un