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de Grande-Bretagne et d’Italie ont l’honneur, d’ordre de leurs gouvernements, de porter à la connaissance du gouvernement roumain (le seul auquel ces gouvernements puissent adresser la parole) que les pays qu’ils représentent considèrent comme inexistant tout arrangement pris en dehors d’eux, au sujet de la navigation du Danube; cette question ne pouvant être réglée qu’à la paix générale et après accord entre toutes les Puissances intéressées. »

Le principe violé est celui de la liberté des grands fleuves, internationaux. Il a été recueilli et adopté par le Congrès de Vienne, en 1815, mais il avait été proclamé par la Révolution française, qui voulait ces fleuves « librement ouverts au commerce de toutes les nations. » Le fait d’y avoir souscrit du bout de la plume ne devait pas d’ailleurs empêcher l’Autriche de soutenir pour le Danube, comme la Prusse l’avait fait pour le Rhin, qu’en thèse un fleuve, si grand qu’il soit, et même international, appartient non à l’Europe, mais aux seuls États riverains. Mais, comme la Prusse encore l’avait fait pour obliger la Hollande à lui ouvrir le delta du Rhin, l’Autriche, pour obliger jadis la Russie et la Turquie à lui ouvrir le delta du Danube, ne s’est pas lassée d’invoquer contre autrui ce principe qu’elle ne respectait pas chez elle. Toute sa politique pendant un siècle a consisté, sans s’embarrasser de la contradiction, à obtenir que, dans la partie qui lui appartenait, le Danube fût fermé aux autres nations, et qu’il lui fût ouvert à elle-même dans la partie qui ne lui appartenait pas. D’où la différence des deux régimes, d’une part sur le cours supérieur et moyen, d’autre part sur le cours inférieur du fleuve. Dans son acception la plus étendue, l’expression : « A partir du point où il est navigable » conduit loin, puisque le Danube est « navigable » pour des bateaux à vapeur, au-delà de Passau où il entre en Autriche, jusqu’à Ratisbonne et à Donauwerth en Bavière, et qu’il l’est même pour des bateaux à rames jusqu’à Ulm, aussitôt après le confluent de Iller. Sur la partie supérieure et moyenne de son cours, l’acte de navigation du Danube, très légèrement modifié par l’acte du Congrès de Berlin de 1878, bien qu’il n’ait été reconnu ni de l’Europe ni des Puissances du Bas-Danube, a fait loi de Donauwerth à Galatz. A toutes les observations, à toutes les réclamations, l’Autriche n’a cessé d’opposer son droit de souveraineté et le fait accompli. Sur la partie inférieure, au contraire, de Galatz à la mer Noire, sur les trois bras de Kilia, de Soulina et de Saint-Georges, le traité de Paris de 1856 établissait le contrôle d’une « Commission européenne, » mais l’Autriche, qui l’avait acceptée pour en être, ne lui a cependant jamais accordé qu’une existence