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législation intelligente, nous paraissons prendre plaisir à les en détourner.

On sait quelles plaintes retentissent partout au sujet du renchérissement de la vie. Celui-ci est dû à la destruction d’une très grande quantité de capitaux. Beaucoup des usines qui fabriquent tout ce dont nous avons besoin ont été anéanties ; des dizaines de millions d’hommes qui, en temps normal, travaillent à produire des objets de consommation, sont uniquement occupés à détruire ; à chaque minute, les instruments de mort fauchent des existences humaines, c’est-à-dire suppriment des forces créatrices. Quoi d’étonnant dès lors à ce que tout devienne plus rare et coûte davantage ?


II

Ce qui précède nous conduit à condamner les projets d’impôt sur le capital qui ont, a diverses reprises, été présentés, et à écarter, d’une façon générale, l’idée de demander, pour notre budget, des ressources à ce mode de taxation. Il y a deux façons de le concevoir : ou bien un prélèvement opéré en une seule fois, ou bien la perception d’une taxe annuelle. Ce second mode, on le conçoit aisément, ne peut s’appliquer qu’à des capitaux productifs de revenus : autrement, il détruirait, en un temps donné, la matière imposable, puisqu’il en confisquerait chaque année une fraction, sans qu’aucun élément de reconstitution intervînt. C’est de cette considération qu’est née l’idée d’une troisième forme de l’impôt sur le capital qui frapperait, à des intervalles déterminés, non pas le patrimoine possédé par les contribuables, mais la fraction dont ce patrimoine se serait accru dans la période déterminée.

Le seul capital qui puisse supporter un impôt annuel, sans être par cela même progressivement diminué et condamné par conséquent à disparaître à plus ou moins brève échéance, est donc celui qui rapporte un intérêt : en ce cas, l’impôt sur le capital se confond avec l’impôt sur le revenu, mais en l’obscurcissant et en empêchant la nation de se rendre compte de la charge réelle supportée par les contribuables. Il est dès lors infiniment plus simple et loyal de fixer l’impôt sur le revenu au niveau qu’exigent les besoins de l’État. On nous objectera que les citoyens désireux d’échapper à