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des billets de banque accumulés dans le coffre-fort de leur voisin, ne seront pas réputés, par la foule, capitalistes au même titre que celui-ci. Et cependant ils sont en possession de capitaux féconds qui leur fournissent directement des revenus, tandis que le numéraire n’en produit pas par lui-même : nummus numum non parit, la monnaie n’engendre pas de monnaie, disaient les théologiens du moyen âge, qui partaient de cette vérité apparente pour condamner l’intérêt.

Etablissons maintenant notre définition. Toute richesse est susceptible de devenir un capital par la volonté de l’homme qui, la possédant, ne la consomme pas. Ainsi s’explique la formation des capitaux mobiliers. La même richesse sera revenu ou capital, selon qu’elle sera consommée immédiatement par son possesseur, ou au contraire mise de côté par lui, de façon à reproduire de la richesse. Un cultivateur récolte dix hectolitres de blé : il en mange neuf, c’est du revenu. Il en met un de côté pour servir à ses semailles de la saison prochaine : c’est du capital. Chaque grain de blé qu’il jettera dans le sillon en produira dix, quinze, vingt l’année suivante. Ceux-ci, à leur tour, seront du revenu ou du capital, selon l’usage qu’en fera le récoltant.

L’institution de la monnaie et celle du prêt à intérêt ont considérablement modifié non pas le fond des choses, mais la conception que les hommes s’en font. Toute richesse étant susceptible de se transformer en monnaie devient ainsi indirectement productive, alors même qu’elle ne l’est pas directement. Prenons des exemples. La terre est un capital, puisqu’elle fournit des céréales, des légumes, des fourrages, des fruits : cependant l’intervention du travail humain est indispensable pour mettre ce capital en état de produire. Une usine bien gérée est un capital, parce qu’il en sort des objets manufacturés d’une valeur supérieure à la somme dépensée pour les fabriquer, à condition bien entendu que le prix de vente soit plus élevé que le prix de revient. Une maison est un capital, parce qu’elle procure à son propriétaire un revenu annuel constitué par la rente de ses locataires. Si au contraire nous considérons des richesses improductives, telles que des perles, des pierres précieuses, des objets d’art, un domaine d’agrément qui coûte à son propriétaire des frais d’entretien, nous sommes tentés au premier abord de les exclure de la liste des capitaux. Mais