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Tchèques, Slovaques, Polonais, Croates et Serbes. Les agents de l’Allemagne essaient de leur persuader d’abandonner le travail ; et, pour mieux y parvenir, — c’est une de leurs tactiques favorites, — ils réussissent à s’infiltrer dans quelques journaux slaves, qu’ils transforment en succursales de l’agence Wolff. Les chefs des groupements tchéco-slovaques s’appliquent à ôter leur masque slave à ces faux frères, et y arrivent, non sans peine. Quelle victoire pour eux, — et pour nous. — le jour où ils peuvent prouver que le Katolicky Ludovy Dennik, le grand journal slave de Chicago, est subventionné… par le consulat d’Autriche-Hongrie ! Du coup, cette feuille, très répandue, tombe au chiffre ridicule de 600 abonnés. De même pour les Amerikansko-Slovemke Noviny. De même pour le Vesmir, qui est un peu plus difficile à prendre sur le fait : mais on finit par démontrer, fac-similé en main, qu’il émarge aux fonds secrets de l’ambassade autrichienne, et voilà encore un des états de l’influence germanique qui s’écroule piteusement.

Privé de ces sournois instruments de propagande, le chef des conspirateurs, le Dr Dumba, s’adresse directement aux ouvriers slaves, et s’efforce de les prendre, tantôt par la pitié, tantôt par la terreur. Par la pitié : auront-ils bien le cœur de forger ces armes qui vont massacrer leurs frères dans les armées de François-Joseph ? Par la terreur : qu’ils prennent garde, le jour, où ils voudront revoir leur foyer sacré, d’être écartés du sol tchèque ou croate par un procès de haute trahison ! Contre ce mélange de pathétique hypocrite et de chantage effronté, les Tchéco-Slovaques réagissent encore. Ils organisent des meetings de protestation antigermanique à Chicago, Cleveland, Pittsburg, New-York, etc. Et le bon travail continue dans les usines de guerre.

Nouvelle tentative allemande : on fait appel cette fois à l’intérêt matériel ; on veut convaincre les ouvriers que les salaires sont trop bas. Nouvelle riposte des Tchèques, de leurs journaux et de leurs ligues : la grève avorte, et les munitions partent toujours pour les champs de bataille européens.

Si on les empêchait de partir ? D’accord avec la germanophile American Embargo Conference, le président du syndicat de la presse étrangère à New-York, M. Hamerling, s’adresse aux scrupules d’équité de M. Wilson, entreprend de lui faire interdire l’exportation des armes comme contraire à la