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mieux, si c’est possible, comme membres d’une armée qui sera la leur, sans cesser d’être la nôtre.


III

On ne lutte pas seulement, dans cette guerre, les armes à la main. Dans le duel inexpiable que nous livrons à l’ambition germanique, la propagande et la presse, le commerce et l’industrie, sont des outils de combat tout comme l’aéroplane ou le canon lourd. Ici encore, nous devons beaucoup aux Tchécoslovaques. Pendant que ceux de France aidaient nos soldats à repousser les troupes de choc allemandes, ceux d’Amérique s’employaient assidûment à refouler d’autres attaques, non moins meurtrières. Leur aide nous a été aussi secourable à Pittsburg ou à Chicago qu’à Arras et à Reims.

Il y a beaucoup de Tchéco-Slovaques aux États-Unis. Malgré la fertilité du sol bohème ou morave, les conditions d’existence, sous le joug austro-magyar, sont si fâcheuses que bon nombre de fils de ces beaux pays se voient obligés de les abandonner. 600 000 Tchèques, 700 000 Slovaques se sont ainsi établis sur le territoire américain. Ils se sont groupés en deux associations puissantes, l’Alliance Nationale Tchèque et la Ligne Slovaque, siégeant l’une à Chicago, l’autre à Pittsburg, et disposent de cinquante journaux environ, quotidiens ou périodiques. Ils ont en général conservé un très vif attachement à la mère patrie, un souci ardent et intelligent de ses destinées, en quoi ils se rapprochent de ces généreuses colonies grecques de France et d’Egypte, où M. Venizelos a trouvé de si actifs défenseurs des intérêts de l’hellénisme. Ils ont aussi, ce qui est naturel, une haine implacable des Allemands et des Magyars, dont la tyrannie les a chassés de chez eux.

Aussi ont-ils pris, dès le principe, une position très nette contre les Germano-Américains. Leurs efforts pour contrecarrer la propagande des hyphens constituent un des épisodes les plus curieux de l’histoire de l’opinion en 1915 et 1916 dans la grande République sœur.

La bataille s’est livrée d’abord sur le terrain des munitions de guerre. Il était urgent, pour les Austro-Allemands, d’empêcher les usines américaines de ravitailler des armées, et précisément, dans ces usines, se trouvaient de nombreux Slaves :