Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous, Tchèques, dirent alors les députés tchèques au Reichsrat, nous sommes les adversaires résolus de la Triple Alliance, et surtout de la Double Alliance austro-allemande, parce qu’à l’intérieur elle fortifie la situation déjà prépondérante des Allemands et des Magyars, et parce qu’à l’extérieur elle est dirigée contre la France… Nous, Tchèques, nous nous réjouissons de l’Alliance Franco-Russe. Nous aimons et vénérons la France… Le jour où nous aurons obtenu notre liberté, où la Bohême occupera la place qui lui convient en Europe, elle tiendra en échec les projets occultes ou manifestes des Allemands. »

Cette manifestation inattendue vaut qu’on s’y arrête. Elle prouve, entre autres choses, combien nous aurions tort, sous prétexte de courtoisie internationale, de nous désintéresser des luttes de partis au dedans des autres Etats. La politique extérieure et la politique intérieure d’une grande puissance sont toujours plus ou moins « fonctions » l’une de l’autre. En 1892, si la vie constitutionnelle de l’Autriche n’avait pas été faussée par le despotisme de la Cour, si les Slaves de la Monarchie, qui avaient la majorité, avaient eu aussi le pouvoir, le funeste pacte austro-allemand aurait été dénoncé, et toute la face de l’Europe eût été changée…

Dis aliter visum. Malgré l’avertissement des Tchèques, l’Autriche-Hongrie est restée liée à l’Allemagne. et la guerre actuelle est sortie de là. Nous savons déjà avec quels sentiments les Tchèques ont pu la voir éclater. Nous connaissons leur antipathie pour l’Allemagne, leur penchant vers la France. Si de plus on se rappelle qu’une puissante solidarité ethnique les unit tant à la Russie qu’à la Serbie, — en 1908. lors de la crise bosniaque, on manifestait à Prague en faveur des Serbes et contre le gouvernement autrichien, — on comprend pourquoi ils devaient naturellement, fatalement, se ranger de notre côté. Voyons comment ils s’y sont pris, d’abord chez nous, dans les pays de l’Entente, — puis chez eux, dans cette terre de Bohême si belle et depuis si longtemps esclave.


II

Dès les premiers jours de la guerre, deux actes à peu près simultanés montraient à quel degré de confiance et de