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moraliser. Ils lui inculquent même une économie qu’ils n’ont jamais pratiquée, tant il est vrai que souvent l’habit fait le moine ; et leurs caisses d’épargne ne sont pas uniquement, comme le prétendent des esprits défiants et grincheux, une mainmise sur les sapèques des campagnards. Mais le plus intéressant, c’est leur apostolat. Lorsqu’ils se sont emparés de la Corée, la situation religieuse pouvait leur paraître inquiétante. Le Confucianisme vermoulu et réduit à l’impuissance, le Bouddhisme dégradé et chassé des villes, ils se trouvaient en présence de quatre-vingt mille catholiques et de trois cent soixante mille adeptes du protestantisme. Ils ne redoutaient aucune complication de la part des catholiques, et le général Terauchi, ancien élève de Saint-Cyr, lorsqu’il voulut bien me recevoir, me vanta lui-même l’éducation que leur donnaient nos missionnaires : « Je considère vos prêtres, me dit-il, comme nos meilleurs collaborateurs étrangers dans la tâche que nous avons entreprise. » Mais le nombre des protestants coréens était si fabuleux qu’on ne pouvait se tromper sur la nature de leur conversion. Évidemment la plupart d’entre eux n’avaient été convertis qu’à l’espoir d’une indépendance nationale. Presbytériens et méthodistes américains, presbytériens canadiens et australiens, même les Anglicans, s’étaient déclarés, pendant la période des troubles, contre la domination japonaise. Ils avaient commis l’imprudence de promettre à leurs néophytes l’appui politique de leur gouvernement ; et ce ne fut pas leur seule imprudence.

Les Japonais irrités ne se départirent pourtant point de leur tolérance, mais ils se tournèrent vers ce Bouddhisme que jadis les Coréens leur avaient enseigné et dont les prêtres méprisés, exclus de toutes les cérémonies religieuses ou nationales, n’avaient pas même le droit de franchir le seuil des plus pauvres maisons coréennes. Ils abolirent ces mesures infamantes et décidèrent que les bonzes coréens auraient désormais le traitement des bonzes japonais. En juin et en septembre 1911, des ordonnances réorganisèrent complètement les temples et les monastères bouddhiques. Vingt mille prêtres bouddhistes, appartenant à quatorze cents églises, furent rétablis dans leurs anciens honneurs et mobilisés contre les prédications étrangères. D’autre part, le gouvernement encourageait la propagande shintoïste. Il ne l’installait pas seulement au centre de