provinciales et locales. Le règne qui succédait à cette révolution fut comme elle éphémère… On sentait gronder à travers l’Europe la voix des peuples et celle des canons : Napoléon, s’emparant de ces deux forces et les manœuvrant ensemble, allait bientôt refaire un monde. La Belgique, en ces bagarres, devint d’abord française, et puis néerlandaise ; et ses susceptibilités religieuses, tour à tour soulevées contre ces deux régimes, accéléraient les sourdes et constantes impulsions qui la poussaient à vouloir enfin s’appartenir.
Un magistrat du Directoire, en 1796, s’emportait un jour contre le Belge, « qui ne veut être, disait-il, ni Autrichien ni Français[1]. » C’était exact : la volonté positive du Belge visait à être Belge : volonté recueillie, et plus fervente d’ailleurs qu’impatiente, et qui tolérait les retards, même indéfinis, pourvu que les maîtres tour à tour acceptés se gardassent bien de vouloir endommager des traditions qui consacraient des croyances et des habitudes qui sanctionnaient des droits. « Ne troublez pas le peuple beige, écrivait finement l’abbé de Pradt en 1820 : alors son support (sic) pourra ressembler même à de l’amour[2]. » Mais entre 1815 et 1830, Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, par ses mesures administratives et sa politique religieuse, troubla si bien le peuple belge, qu’un gouvernement provisoire issu de l’émeute renouvela l’effort libérateur de la révolution brabançonne ; et cette fois l’effort réussit : la Belgique fut faite. L’esprit provincialiste allait continuer de s’y épanouir, mais sous le contrôle de l’esprit national : dès 1830, lorsqu’un député proposa que les emplois civils de chaque province fussent réservés exclusivement à ses indigènes, la proposition fut repoussée par le congrès[3] : entre les Belges, le royaume belge devait supprimer tout cloisonnement.
La Belgique prétendit se faire elle-même, par elle-même. A la demande du roi des Pays-Bas, cinq grandes Puissances d’Europe conféraient à Londres pour aviser à la situation : la Belgique, par l’organe de son gouvernement provisoire, se hâta de leur indiquer qu’elle attachait à leurs efforts, simplement, la portée d’une mission toute philanthropique destinée à