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dédaigner aucun moyen de se nourrir; ce qui entre par petits paquets, dans le sac des ouvriers vrais ou faux qui, passant quotidiennement la frontière, vont plus ou moins travailler en terre d’Empire, est toujours autant de pris. A nous, aux Alliés, de veiller à ce que ce ne soit pas autant de pris sur nous. Nous avons de grand cœur accepté d’aider à ravitailler la Hollande, quand ce serait un peu à notre détriment, mais non pour qu’elle contribue à ravitailler l’Allemagne. Le gouvernement des Pays-Bas promet de s’opposer de tout son pouvoir à la réexportation frauduleuse des marchandises que nous lui laissons importer ; mais, outre que ces denrées venues du dehors permettent d’exporter les produits du sol, sa loyauté se heurte à une impossibilité géographique, dans un pays où tout est ligne d’eau, et où toute ligne d’eau est un chemin qui marche. Les denrées n’ont que quelques portes pour entrer dans la Hollande à moitié bloquée, mais elles ont mille portes pour en sortir. Le seul moyen d’empêcher les fuites, de l’avis de Hollandais mêmes, serait d’en couper radicalement l’accès. Il nous répugnerait d’en user, et nous n’en userions jamais que contraints et forcés. Même alors, nous serions désolés que l’Allemagne eût forcé la Hollande à nous y forcer: nos sentimens à son égard n’en demeureraient pas moins amicaux, mais nous nous battons pour la vie.

Sur les deux derniers points, qui touchent à l’avenir, une interprétation germanophile de la convention du Rhin, la mise à la disposition de l’Allemagne d’une partie des navires hollandais, nous nous contenterons de noter que la question du Rhin, fleuve international et non fleuve allemand, sera en effet une des grandes questions posées devant la future conférence de la paix, une de celles où le monde entier, tous les Alliés, y compris l’Amérique, sont le plus intéressés ; et que l’Allemagne, dès ce moment (en quoi l’Entente devrait bien l’imiter), fait la guerre pour la guerre et pour après la guerre. La Hollande a trouvé ces pilules amères ; elle s’est débattue ; une crise ministérielle a failli éclater; on a mandé à la Haye le représentant des Pays-Bas à Berlin ; par son intermédiaire et personnellement, la reine Wilhelmine s’est adressée à l’empereur Guillaume; des précautions militaires ont été prises; on a cru un instant que tout allait rompre : il parait à présent que quelque chose a plié. Notre diplomatie, à son tour, pourrait avoir son mot à dire.

L’affaire suisse est la répétition exacte de cette affaire hollandaise. Toute la différence est qu’à la Haye, c’était une question de sables ou de graviers; qu’à Berne, c’est une question de charbon. Mais à Berne,