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peu. « De toute la force de ses poings, Hindenburg a secoué le front occidental. Il le fait trembler, tout en le laissant dans l’incertitude du point où il lui portera le dernier coup. » Mais « les coups portés par Hindenburg entre l’Oise et l’Aisne, à l’Ouest de Lille et à Armentières, sont les moyens provisoires dont parlait Moltke. Il n’a pas de plan arrêté, comme on en avait au temps de Louis XIVe » C’est nous qui sommes les Anciens, et les Allemands sont les gens de maintenant ! « Les Alliés, au contraire, ont des idées préconçues. Ils ont à défendre un point fixe, bien défini, Paris. C’est le pôle immuable au milieu des événemens fugitifs. » Comme sous Louis XIV! Fatalité de la nature et de l’histoire. Mais, par exemple, est-ce que Paris ne serait pas le but permanent de l’État-major allemand, dont Amiens et Calais ne sont que « les moyens ou des moyens provisoires, » car peut-être en changera-t-il encore? L’incertitude du point où le dernier coup sera porté, « cette incertitude énerve terriblement le Haut Commandement ennemi, et plus particulièrement le généralissime Foch, placé en face d’un problème presque insoluble. » Il est vrai qu’on ne s’aperçoit guère que le généralissime Foch soit énervé, et les Allemands ne crient si fort qu’il l’est que parce que c’est eux qui le sont. Que va faire Foch ? Où sont les réserves de Foch? De combien de divisions dispose-t-il ? Pourquoi ne les a-t-il pas engagées? La crainte de Foch tourne chez eux à l’obsession. Ils sentent très bien que, tandis qu’ils dépensent les hommes sans compter, avec une profusion folle, le général Foch en fait une sévère économie. Et ils enragent de l’entendre dire qu’il veut jouer non pas leurs cartes, mais les siennes. Leur impatience est un bon signe. « Fais toujours, recommandait l’Autre, ce que ton ennemi voudrait que tu ne fisses pas. »

Cela une fois bien posé, que le Haut Commandement allemand n’a pas atteint son but s’il n’en a qu’un, ses buts s’il en a plusieurs; aucun de ses objectifs, ni Calais, ni Amiens, ni, par derrière, Paris; qu’il n’a ni séparé les Anglais des Français, ni annulé l’armée britannique, la chronique de ses hauts faits, toute en actions de détail, ne serait presque qu’une chronologie. L’absence de plan arrêté y éclaterait avec évidence, si ces actions ne se groupaient simultanément ou alternativement en deux secteurs : les Flandres, la Picardie. Toujours Calais et Amiens; les Anglais et les Français, la mer et Paris. L’idée fixe, c’est eux qui l’ont ; mais ils en ont deux, et n’en changent pas, quoiqu’ils passent sans cesse de la première à la seconde, pour retourner tout de suite de la seconde à la première. Ce sont les secousses par lesquelles Hindenburg se pique de nous