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envisageaient alors deux mondes totalement distincts, séparés par la lune : le monde sublunaire où nous vivons, soumis à la corruption et à la destruction, et le monde céleste, auquel, sous une forme plus ou moins précise, on était tenté d’attribuer une âme ; entre les deux, une zone de contact intermédiaire, où s’établissait la communication des deux mondes et par laquelle le monde céleste transférait au monde sublunaire un mouvement que lui-même avait reçu directement de l’essence divine. Ce fut une révolution scientifique le jour où Jean Buridan, au XIVe siècle, affirma, contrairement à la croyance générale de l’Antiquité, que les deux mondes étaient pareils. Pour les stoïciens qui admiraient l’ordre et l’harmonie de l’Univers, Dieu était le premier mobile d’où le mouvement se propageait peu à peu d’une sphère à l’autre. C’est ainsi que le mouvement des astres entraînait celui des phénomènes et des événemens terrestres. Aristote admettait, d’autre part, la suprématie exercée sur tous les mouvemens par la rotation éternelle de l’essence divine. Seuls, les Épicuriens, dont Lucrèce nous a exposé la théorie atomistique et cinétique, ne voyaient dans le monde que le hasard. Nous ne citons là que des Grecs ; mais on sait que le moyen âge a vécu, en cet ordre d’idées, sur des doctrines hellénistiques, arrivées à lui par les Arabes.

On ne s’en est pas tenu à cette conception générale. L’homme ayant un besoin inné de comprendre ce qui lui est incompréhensible, on a voulu pousser plus loin et préciser : ce qui a conduit à discuter àprementsi les astres étaient les causes premières, les causes secondes ou les signes des événemens terrestres, s’ils avaient tous une âme commune, ou chacun une âme distincte, etc. Mais, sur le fait en lui-même, à peu près tous les philosophes étaient d’accord jusqu’au xvie siècle et il était facile, en effet, d’apporter des preuves apparentes à l’appui de leur opinion.

La plus frappante de toutes sembla être le mouvement des marées, dès que les Grecs, auxquels cette notion avait longtemps échappé dans leur Méditerranée tranquille, en eurent la révélation sur les côtes de la mer Rouge ou de l’Atlantique. Puisque la lune agissait visiblement sur la mer, c’est qu’elle présidait a tout ce qui est humide ; et nous remarquerons par parenthèse que c’est ce qu’on affirme encore implicitement quand on croit que la pluie continuera à tomber parce qu’il a plu à la nouvelle