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certitudes ; elles peuvent nous rendre un autre service en nous invitant à reprendre parfois certaines idées anciennes.

Pour illustrer notre pensée, nous allons prendre comme exemple un des cas où la lecture des anciens écrits nous donne le plus la tentation de sourire : l’astrologie et ses rapports avec l’alchimie, et nous allons suivre à ce propos Duhem dans sa réhabilitation des scolasliques, en insistant d’après lui sur cette idée, un peu paradoxale en apparence, que les docteurs les plus orthodoxes du moyen âge ont été aussi les observateurs de la nature les plus consciencieux et les plus sévères dans l’interprétation des expériences conformément aux principes de l’Énergétique exposés plus haut, et que l’Église catholique a contribué à faire triompher cette science d’observation contre des traditions vivaces empruntées au paganisme antique.

L’idée d’une influence astrale sur les événemens terrestres est, on le sait, extrêmement ancienne ; d’origine chaldéenne, elle a passé chez les Grecs, chez les Arabes, chez les savans du moyen âge ; nul n’ignore le développement qu’elle avait pris à la Renaissance et sa persistance en plein xviie siècle. Aujourd’hui encore, nous n’en sommes pas délivrés, puisque la moitié au moins des hommes s’obstinent à croire qu’un changement de phase de la lune détermine une transformation du temps. Analysons donc l’histoire de cette superstition vivace pour voir quel a pu être son fondement.

Le point de départ initial est une conception cosmologique. Devant les déplacemens des astres, on a assez vite imaginé l’emboîtement de sphères cristallines ayant pour centre commun la terre : sphères portant les étoiles fixes, les planètes diverses et la lune, et l’on a été amené à penser que cessphères s’entraînaient mécaniquement l’une l’autre. Logique pour la corrélation des mouvemens planétaires, cette idée s’est trouvée rationnellement étendue aux déplacemens visibles sur la terre, mais avec une distinction importante que l’observation nécessitait ; car il était bien clair que les événemens terrestres n’avaient pas, au moins en apparence, la précision rigoureuse qui règle la course de Jupiter ou de Saturne dans le ciel ; on assistait en outre sur la terre à des destructions et à des morts qui, pour les savans d’autrefois, semblaient épargner les astres. On en a conclu que la terre était d’essence inférieure et, par suite, insuffisamment organisée et disciplinée. Les Anciens