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sèdent, suivant leur nature, des « valences » différentes, c’est-à-dire un nombre de crochets inégal pour accrocher les autres atomes ; il professe, par exemple, qu’un atome de carbone occupe le centre d’un tétraèdre régulier ; et, finalement, il arrive à ces jolies images, où des lettres H ou C, représentant l’hydrogène et le carbone, sont disposées en polygones et réunies par des tirets ou de doubles et triples traits.

Mais les chimistes ont épuisé, eux aussi, leurs moyens d’investigation, et c’est le tour des physiciens, des électriciens qui vont pénétrer plus avant. Arrhénius, pour expliquer les électrolyses, est amené à supposer qu’un corps dissous dissocie partiellement ses molécules en deux « ions » prenant chacun le rôle d’une molécule complète, tout en n’en étant que la moitié. Voici les rayons cathodiques de Crookes qui nous font concevoir des projectiles électrisés repoussés par la cathode avec une vitesse énorme : forme nouvelle de cette émission Newtonienne qui avait semblé autrefois victorieusement écrasée par la théorie ondulatoire et qui redevient à la mode. D’autres expliquent la pression des gaz contre une paroi par une projection d’atomes dont ils calculent le nombre et la vitesse. Peu à peu, tout cela s’ordonne et l’on nous représente, dans la profondeur de la matière, quelque chose de tout à fait semblable au spectacle de l’univers contemplé par un astronome : des milliers de soleils avec leur cortège de planètes et de lunes dispersés au hasard dans le vide, s’attirant l’un l’autre, parcourant leurs trajectoires et soumis à des rotations autour de leur axe ; mais avec cette différence que nous tenons cet univers dans une pincée de sel, dans une goutte de dissolution, qu’un atome chimique représente à lui seul tout un système solaire et que nous pouvons, dans ces microcosmes dont la vision inspirerait sans doute à des êtres submicroscopiques la pensée de l’infini, accélérer, ralentir les vitesses, modifier peut-être les trajectoires…

Nous ne sommes pas au bout. Y serons-nous jamais ? Voici des expériences où il semble qu’un atome chimique perde un certain nombre de corpuscules, comme un soleil auquel échapperaient des planètes, sans que son individualité soit atteinte. Pour expliquer le magnétisme, on nous montre, dans l’intérieur des atomes, un nouveau constituant de la matière, des magnétons, dont la rotation équivaudrait à un courant