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concepts un raccord très artificiel. Il y a l’atome des minéralogistes, celui des chimistes, celui des électriciens, celui des mécaniciens, qui ne sont pas les mêmes : ce qui a amené à imaginer, dans ce petit monde, toute une série d’entités auxquelles ne convient plus le nom vulgaire d’atomes : molécules, atomes chimiques proprement dits, ions, électrons, magnétons, etc. ; tous êtres métaphysiques, aujourd’hui si bien passés dans l’enseignement classique que le moindre écolier en parle comme s’il les avait vus, ainsi qu’on pouvait, au xiie ou au XIIIe siècle, dans la rue du Fouarre, parler de la forme, de la nature spérifique, de la substance individuelle, de l’essence, de l’hyliathis, des universaux et des nominaux.

Dans l’ordre de ces pénétrations hypothétiques au sein de la matière, ce sont les minéralogistes qui ouvrent la marche par des élémens cristallins encore presque accessibles à l’observation, élémens matériels identiques entre eux, qu’ils supposent répartis identiquement, dans la structure dan cristal, sur tous les sommets d’un réseau dessiné par des parallélogrammes, et déjà particularisés suivant la substance par certaines aptitudes géométriques. Mais ces élémens, ou particules complexes, ils sont déjà obligés de les décomposer une première fois en particules fondamentales, groupées entre elles au moyen de rotations et de renversemens. Après quoi, ils passent la main aux chimistes, qui vont, par de tout autres voies, résoudre ces particules en molécules, puis en atomes.

La molécule chimique est considérée comme la plus petite quantité de matière qui puisse exister à l’état de liberté dans une réaction chimique. Cette molécule, aucun engin mécanique ne permet de l’atteindre, aucun instrument d’optique ne donne le moyen de la voir, aucun acide et aucune base ne la font apparaître seule dans un précipité. Et, cependant, le chimiste la divise à son tour par la pensée. Il la suppose composée d’atomes, soit identiques, soit différens, devant lesquels il s’arrête, les jugeant indivisibles, mais que d’autres sciences vont analyser tout à l’heure. Ces atomes ou ces molécules, il trouve des artifices indirects pour les peser, les compter sans les voir ; il en scrute la forme et l’agencement ; il en étudie les propriétés. À l’intérieur de la molécule, le chimiste croit savoir que les atomes occupent des positions fixes, ou du moins qu’ils gravitent autour d’une position moyenne ; il sait qu’ils pos-