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I. — L’ÉNERGÉTIQUE


La conception scientifique de Duhem, pour l’invention de laquelle il faut au moins associer à son nom ceux de Rankine, Gibbs et Helmholtz, repose essentiellement sur la notion d’énergie ; c’est une mécanique généralisée que l’on nomme l’Énergétique. La définir, montrer ses principes, ses nouveautés, ses avantages, ce sera étudier du même coup l’œuvre de Duhem. Voici donc, en évitant le plus possible les termes techniques, ce qui distingue l’Énergétique des mécaniques antérieures.

Jusqu’à ces derniers temps, quand on avait voulu ramener la physique à la mécanique, étape nécessaire pour donner aux problèmes cette expression algébrique qui semble leur formule définitive, on était toujours parti de la dynamique, ou science des mouvemens, et on avait prétendu expliquer tous les phénomènes physiques, puis chimiques, par de simples déplacemens. Dans ses manifestations les plus modernes, cette méthode, qu’il ne faut pas dédaigner, car elle a conduit à des théories infiniment ingénieuses et précieuses pour les applications, repose sur l’assimilation de la malière à une gravitation de corpuscules infiniment petits, invisibles et inaccessibles à toute observation directe. Elle a ressuscité les antiques atomes d’Épicure et de Lucrèce, les a inclus dans un éther merveilleusement élastique et impondérable, les a lancés dans cet éther comme des balles rebondissantes ; puis elle leur a prêté des propriétés de plus en plus compliquées et subtiles (parfois contradictoires) pour les mettre en mesure de répondre à tout ce que les progrès de l’expérimentation faisaient attendre d’eux. Dans cette construction lente et méthodique, on n’est pas, comme cela se fait en géométrie, parti d’un postulat pour en dérouler toutes les conséquences ; on a observé les unes après les autres les conséquences pour tenter d’en déduire après coup leur postulat. Ce n’est pas ici le lieu d’exposer la théorie atomistique. Il est cependant nécessaire de rappeler la succession d’hypothèses sur laquelle elle repose, pour montrer comment et pourquoi l’Énergétique a fini par s’en séparer.

Tout d’abord, faisons remarquer que, suivant la branche scientifique dont on est parti, on est arrivé à des notions de l’atome différentes, et qu’il a fallu ensuite établir entre ces