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PIERRE DUHEM


L’ÉNERGÉTIQUE ET LA SCIENCE DU MOYEN ÂGE



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Qu’était-ce que Pierre Duhem ? Un grand savant. Mais encore ? Un physicien, un mécanicien, un chimiste ?… Posez la question à ceux qui connaissent le mieux son œuvre ; on hésitera sans doute un instant avant de vous répondre, et peut-être ne se rappellera-t-on plus que Duhem est entré à l’Institut très légitimement dans la section de mécanique. Cet homme étonnant a, en effet, réalisé un prodige qui semblait devenu presque impossible en notre début du xxe siècle. Dans un temps de spécialisation à outrance et de compartiments étanches, où chaque sous-branche de la science est déjà assez absorbante pour occuper toute la vie d’un homme, il ne s’est pas contenté d’explorer une petite chambre de cet édifice somptueux qu’admirent du dehors les passants ; il a prétendu en reconstruire et en consolider les fondations. Sous la cépée aux mille bras divergens, il a exploré la souche commune. Et il s’est fait ainsi pareil à ces chercheurs de l’Antiquité, du Moyen Âge ou de la Renaissance, pour lesquels il existait, non pas des sciences, mais une Science de la Nature, une Physique, confondue alors avec la Philosophie et contiguë à la Métaphysique. Entreprise qui eût semblé, il y a cinquante ans, sous le règne d’un positivisme étroit, nous ramener loin en arrière et dans laquelle il s’est montré pourtant le chercheur le plus