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affecté fut bientôt laissé de côté… Dans l’assemblée de Bordeaux, il n’était pas possible à ce même monsieur d’être aussi inintelligible avec son mauvais français qu’il l’a été hier avec son allemand comprimé… C’est avec regret que nous reconnaissons dans le député Teutsch réellement le compatriote. Il y a une sorte d’Allemands qui, maintenant, espérons-le, va disparaissant : les natures allemandes de valets pour lesquels tout ce qui est étranger semble distingué. Sous une livrée française, regarder par-dessus l’épaule son cousin le paysan, ce fut pendant des siècles l’ancienne façon de la valetaille allemande[1]. »

La valetaille allemande est ici assez bien dépeinte ; mais, en fait de bassesse, peut-on trouver mieux que cet article ?

Après l’injure, l’ironie, ironie épaisse et lourde, à l’allemande : « Nous espérons, — dit, à propos du superbe appel de M. Teutsch au jugement de Dieu et à celui de l’Europe, — nous espérons que Dieu aura pitié des Français, et aussi des Fransquillons égarés. Pour ce qui est de l’Europe, nous croyons que M. Teutsch se fait grandement illusion sur Ios sentimens de cette dame, car les temps où Europe se laissait séduire par un taureau sont depuis longtemps passés[2]. »

En présence de l’attitude des Alsaciens, le pouvoir prussien lui-même se montrait inquiet et nerveux, multipliant les vexations, les rigueurs, arrêtant à la poste les journaux français, faisant saisir chez tous les commerçans, papetiers, marchands d’estampes et d’objets d’art, horlogers, orfèvres, magasins de nouveautés, avec le soin méticuleux que peuvent appliquer à pareille besogne des policiers prussiens, toutes les gravures, emblèmes, portraits, cartes géographiques, statuettes, jouets tricolores et autres objets suspects de tendances subversives[3]. Un petit buste de l’Alsace voilée de deuil fut tout spécialement proscrit[4].

En même temps, trente-neuf curés des arrondissemens de Sarrebourg et Château-Salins étaient cités à comparaître, le 18 mars, pour répondre à la grave accusation d’avoir lu en chaire un mandement de l’évêque de Nancy[5] !

  1. Reproduit par le Journal des Débats, 24 février.
  2. Reproduit par la Gazette de France, 21 février.
  3. Temps, 4 mars, d’après le Journal d’Alsace.
  4. Le XIXe" Siècle, 8 mars.
  5. Le Temps, 7 mars, citant le Niederrheinische Kurier.