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l’église d’Athies, où il ne subsiste d’intact que le portail Ouest, chef-d’œuvre de sculpture du moyen âge. Les Allemands ont fait sauter tout le reste à la dynamite. C’est dans l’enceinte formée par les ruines que l’aumônier avait une première fois dit la messe, sur un bien pauvre autel : un amas de décombres et une planche. Quand il revient, le dimanche suivant, pour célébrer la messe de la brigade, il a la surprise, d’apercevoir un autel ravissant dressé sur les fonts baptismaux. Il y avait là une table de marbre, un tabernacle de pierre sculptée surmonté d’une statue du Sacré-Cœur en marbre, et, de chaque côté, posées sur des fûts de colonnes, deux autres statues. Que de fouilles il avait fallu faire, pour trouver tout cela dans les ruines ! L’aumônier admire. Il s’imagine naturellement que ce sont quelques-uns des soldats catholiques qui avaient voulu lui ménager cette surprise, mais, en rentrant au camp, il apprenait que c’était l’œuvre du chapelain anglican, qui avait voulu montrer au prêtre français son estime et son amitié.

Pareil trait n’est point isolé, et c’est ainsi, par exemple, qu’à Bailleul, un pasteur protestant français prépara toutes choses pour le service solennel catholique, qui fut célébré pour les Français, les Anglais et les Belges morts aux armées. Sur le catafalque, du côté de la tête, était placé le drapeau belge ; au milieu, le drapeau français ; au pied, le drapeau de l’Union Jack. En présence de tous les états-majors et d’une multitude de soldats des armées alliées, le service divin fut célébré pour tous, et l’on ne peut s’empêcher de, songer encore à Jeanne d’Arc, qui avait dit, de son temps, qu’elle désirait qu’il y eut des chapelles, où seraient célébrées des messes pour tous les morts de la guerre.

Je n’ai pas le temps de louer comme il conviendrait la bravoure de vos troupes, bien qu’elle soit ici un élément de premier ordre, puisque leur ancienne réputation s’est trouvée confirmée, et que vos soldats peuvent être dits, en toute vérité, dans toute la force du mot, les frères d’armes des nôtres. Les journaux ont cité bien des traits, dont plusieurs seront répétés par l’histoire. Je veux cependant proposer, à ces historiens de demain, ma petite contribution. Dans un récent voyage en Alsace reconquise, j’ai entendu raconter un mot d’un de vos officiers du début de la guerre, un mot si grand qu’il égale les plus célèbres. C’était en octobre 1914, en Belgique, près de