qu’Alexandre garde envers lui ; il se demande avec anxiété s’il n’en faut pas conclure que l’entrevue ne sera pas favorable à la France. A cet égard il ne fut rassuré qu’au retour du Tsar. Le 11 novembre, il assistait à la revue de la Garde ; l’Empereur, l’ayant aperçu, lui fit signe d’approcher.
« J’étais très pressé de vous voir, lui dit-il, car j’ai beaucoup d’excuses à vous faire. Quand je vous ai quitté cet été, je ne vous ai pas dit que j’allais à Berlin ; c’est une inadvertance que je regrette beaucoup. Ce que j’ai dit à M. de Gontaut, c’est à vous que je voulais le dire d’abord ; c’était mon intention, et au milieu de la confusion des manœuvres et des adieux, je l’ai tout à fait oublié. J’en ai été très fâché et tenais à vous l’exprimer. »
Ainsi s’affirmait de jour en jour avec plus de vivacité et de confiance le bon vouloir de l’empereur de Russie envers le gouvernement de la République. Les années suivantes allaient lui fournir d’autres occasions de le manifester bien que son attitude trahît parfois le combat qui se livrait en lui entre le désir de se rapprocher de la France et les raisons qui lui commandaient de continuer à s’appuyer sur la Prusse où il trouvait un écho de ses propres pensées. A peine est-il besoin de rappeler que ce bon vouloir s’exerça de la manière la plus efficace, lors de la fameuse crise de 1875.
A la faveur de ces souvenirs, on peut se rendre compte des contradictions que présente, en ces années lointaines, l’attitude d’Alexandre à l’égard de la France. Elle s’inspire du trouble de son esprit, de la mobilité de ses pensées et de ses impressions qui tantôt nous sont favorables et tantôt l’éloignent de nous, tantôt l’incitent à déclarer qu’une France forte sera un élément de paix pour l’Europe et tantôt lui font craindre qu’elle ne subisse l’influence des menées révolutionnaires.
Ces préoccupations s’aggravent de toutes celles que lui suggèrent l’état de la Russie, les troubles qui règnent dans les Balkans, les progrès du nihilisme attestés par les assassinats dont nous parlerons plus loin et la nécessité de protéger les chrétiens répandus dans l’Empire ottoman et qui souffrent de plus en plus du joug auquel ils sont soumis. Tous ses actes de cette époque témoignent du vif désir de remédier à une situation grosse de périls. Pour soulager les populations russes, il abolira bientôt l’impôt sur le sel, la plus impopulaire des taxes ; il