Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause de votre vertu d’hospitalité, des bénédictions magnifiques vous seront données.

Je reviens à l’opinion courante et aux relations politiques constatées par les historiens, entre l’Angleterre et la France.

A la fin du XVIIIe siècle, comme au commencement du XIXe, il faut bien observer que, tout au fond, nous avons été adversaires, nous n’avons pas été ennemis. Pour user de vos expressions, nous nous sommes battus, dans le passé retentissant, comme des gentlemen, c’est-à-dire comme des gens qui, l’affaire réglée, se donnent la main et peuvent devenir amis. Les exemples abonderaient. J’en prends un seul, précisément à la fin du XVIIIe siècle. Au moment des luttes entre l’Angleterre et la France, pour la possession du Canada, il y eut là-bas une bataille célèbre : celle de Carillon. Bougainville, le chef français, avant que le combat ne s’engageât, pariait avec les officiers anglais sur le résultat de la bataille, et quand il l’eut gagnée, on vit les officiers français donner leurs couvertures pour couvrir les officiers anglais blessés. Plus tard, vos troupes faisaient capituler la ville de Louisbourg, que défendait le chevalier de Drucourt ; elles étaient commandées par Amhurst et Wulf. Or, savez-vous bien la première chose que firent vos deux généraux, en entrant dans la place, suivis de leurs principaux officiers ? Ils allèrent saluer Mme de Drucourt, femme du gouverneur de la province, et quelques autres femmes d’officiers français qui, pendant le bombardement, s’étaient réfugiées dans les casemates.

C’était le temps de la guerre courtoise. Même cette guerre-là, entre nous, était de trop. Elle est à tout jamais finie, et je crois, en vérité, qu’il y en a des signes jusque dans les choses. Si vous avez visité Calais, vous avez pu voir son beffroi, où sonnait un carillon flamand. Or, deux personnages étaient représentés, à cheval, sur le cadran de l’horloge : c’étaient Henri VIII d’Angleterre et François 1er de France, deux illustres chevaliers, qui luttaient à la lance. Par l’effet d’un mécanisme ingénieux, toutes les fois que l’heure tintait, les chevaliers échangeaient un coup de lance. Si l’horloge sonnait trois heures, ils pointaient trois fois leur arme l’un contre l’autre, et si l’horloge sonnait midi, ils échangeaient douze coups, pour le plus grand plaisir des badauds assemblés. Voilà peu de temps, un obus allemand, le seul de toute la campagne qui ait eu de l’esprit, a touché les jouteurs, et mis fin au combat, qui ne reprendra plus.