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demande pour cela surtout de la confiance et de ne pas croire sans m’en référer directement à une foule de bruits mensongers qui sont propagés par nos ennemis communs, tel que celui par exemple d’un traité d’alliance entre la Prusse et la Russie pour écraser l’Autriche, ce traité qu’on a dit signé par un diplomate qui n’existe pas, a été répandu dans les rues de Constantinople ; c’est un faux fabriqué par des gens intéressés à empêcher l’entente qui doit exister entre nos deux pays. Je reconnais là encore la main de la Pologne, je ne prétends à la conquête d’aucune province de l’Autriche. Je n’ai pas deux politiques, je n’en ai qu’une seule, honnête, et toutes les fois que vous vous adresserez à moi-même, vous recevrez des déclarations franches et sincères telles qu’un homme d’honneur doit les donner ; assurez-en M. Thiers. Je l’ai surtout admiré dans la signature d’un traité onéreux qui devait tant coûter à son patriotisme. Son attitude fait autant d’honneur au grand politique qu’au grand citoyen. »

À cette entrée en matière succéda un hommage à la réorganisation et à la vigueur de l’armée française comme aux services qu’elle avait rendus en réprimant l’insurrection.

« Il y avait sans doute beaucoup d’étrangers parmi les révoltés ? demanda l’Empereur. — Un certain nombre, oui, Sire, des Belges, des Anglais, des Italiens, des Américains et même des Allemands. — Et des Polonais sans doute ? — Oui, des Polonais, Sire, à preuve le fameux Dombrowski. — Ah ! la Pologne, soupira l’Empereur, encore une question qui a jeté bien des incertitudes et beaucoup de suspicions dans nos rapports et qui en a faussé le caractère en nous obligeant de part et d’autre à une réserve fâcheuse. J’espère que c’en est fait entre nous de cette question. — Il est certain, avoua Le Flô, qu’elle a créé bien des embarras à la France. »

Le même jour, l’ambassadeur, en rendant compte à Paris de cette première audience, écrivait : « Elle a eu un cachet de véritable sympathie pour notre malheureuse patrie, de bienveillance particulière pour mon humble personne et elle me sera un encouragement dans l’accomplissement de l’importante mission que le Gouvernement m’a fait l’honneur de me confier. »

Le Flô débutait donc à Saint-Pétersbourg sous d’heureux auspices et de jour en jour les incidens se multipliaient propres à accroître sa confiance dans l’efficacité de sa mission. Ce n’était