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Par sa modestie, son affabilité, sa tournure, il plait partout où il passe. A Vienne, à Berlin, à Munich, à Stuttgard, à Dresde, les familles régnantes dans lesquelles il a été reçu gardent de lui le plus flatteur et le plus sympathique souvenir.

A la cour de Hesse-Darmstadt, parmi les filles du grand-duc Louis II, il en distingue une qui le charme dès leur première rencontre et sur laquelle il produit le même effet. La princesse Sophie vient d’avoir quinze ans ; elle est sérieuse, calme « avec une physionomie de réflexion et de jugement » qui séduit et attire d’autant plus Alexandre qu’elle contraste avec les habitudes et les manières de la famille impériale « où tout est mouvement, expansion, manifestations extérieures. » En 1841, après qu’elle s’est convertie à la religion orthodoxe, il l’épouse ; elle s’appellera désormais Marie Alexandrowria.

De 1843 à 1855, date de l’avènement d’Alexandre II, cinq naissances viennent embellir ce foyer exemplaire en y introduisant Nicolas, grand-duc héritier, qui mourra avant de régner, Alexandre à qui ce trépas prématuré donnera la couronne, puis Wladimir, Alexis et Marie et enfin, lorsque le père est empereur, Serge et Paul. Cesarewna ou impératrice, Marie Alexandrowna, durant ces années de maternité, a concentré sa vie au chevet de ces berceaux, évitant de faire parler d’elle, ne vivant que pour son mari et pour ses enfans. Quant à lui, envisageant et pratiquant sans relâche les grands devoirs qui lui incombent en sa qualité d’héritier de l’Empire, il les voit bientôt s’augmenter par la confiance que, dès qu’il est marié, lui témoigne l’Empereur. Cette confiance ira sans cesse en s’augmentant. Loin de tenir son fils éloigné des affaires, Nicolas Ier ne lui cache rien ; à la veille d’un voyage, recevant un ambassadeur, il s’excuse de ne pouvoir prolonger l’audience. « Je suis bien occupé, dit-il, il faut que je mette de l’ordre dans mes papiers, que je les enferme, car pendant mon absence, mon fils sera également loin de Saint-Pétersbourg et je n’ai confiance absolue qu’en lui. Je veux qu’il sache tout comme moi, qu’il partage mes travaux et soit toujours en état de me succéder. » Ce langage caractérise les relations du fils avec son père ; elles sont aussi affectueuses que confiantes.

Nous en trouvons une autre preuve dans les fonctions dont le prince héritier est investi ; il est successivement appelé à diriger les établissemens militaires de la Russie, à commander