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jamais que des sentimens de sympathie. Les rapports de la France et de la Flandre ont été parfois orageux. La vie politique est fertile en occasions de griefs. Le domaine de l’art, au milieu des affaires humaines, est celui du désintéressement. Parmi les luttes et les querelles du monde « temporel, » il ne nous montre que les raisons que nous avons d’aimer.

Peut-être même une telle étude aura-t-elle, au surplus, un intérêt plus général. En suivant, sur une étendue de trois ou quatre siècles, l’histoire artistique de la Flandre, nous verrons plus d’une fois se modifier les goûts ; il deviendra difficile de reconnaître dans le Flamand du XVIIIe siècle le Flamand du XVe, et dans les petits maîtres et les auteurs de « fêtes galantes » les descendans des grands gothiques de Bruges et de Gand. — L’Allemagne avait inventé une théorie des races, sorte de mythe historique en vertu duquel toutes les œuvres d’un peuple apparaissent comme les expressions d’un principe immuable ; l’histoire se développe avec une rigueur de théorème. Un arbre, une école artistique semblent croître, dans ce système, avec le caractère inflexible d’un syllogisme. Les faits sont loin d’offrir tant de rigidité. Le caractère ethnique n’a pas la fixité que lui prête la philosophie. Les peuples ne sont pas esclaves de ces définitions ; leur pensée ne se laisse pas envelopper dans une formule simple. Il est commode de poser quelques abstractions séduisantes, et de faire entrer ensuite les faits, de gré ou de force, dans les cadres d’un panthéisme germanique. La réalité est plus souple et se rit de ces tentatives. Toute l’histoire humaine n’est faite que de notre effort pour échapper à la fatalité. La Flandre peut nous servir d’exemple. On nous saura gré d’esquisser ici ce grand sujet, et de le proposer comme une leçon d’ouverture édifiante à l’Université flamande, dont la sollicitude impériale vient de doter la ville de Gand.


I

S’il existe en effet, dans les manuels d’histoire de l’art, une notion bien arrêtée, et qui ait pris la force d’un dogme ou d’un lieu commun, c’est celle qui assimile le nom de « flamand » au nom de « réalisme. » On dirait qu’il y a entre ces deux termes une sorte d’équivalence, comme si c’était la