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réconfort moral, comme symbole de l’union qui joint entre elles toutes les puissances de l’Entente, et plus étroitement les trois grandes puissances occidentales combattant sur la terre de France. La coalition se resserre en même temps qu’elle s’organise ; elle se condense par l’amalgame, elle se concentre sous un chef. L’Allemagne peut frapper, — et déjà elle frappe, — les trois coups pour le deuxième acte. Nous voudrions qu’elle eût encore (mais ce souhait ne risque que trop d’être exaucé) des agens au milieu de nous. Ils lui diraient, s’ils ne volent pas son argent, que jamais nous n’avons eu moins de doutes, plus d’espérance, plus de certitude. Nous savons que cela finira bien, parce que nous avons fait, nous faisons et nous ferons tout ce qu’il faut pour que cela finisse bien.

Aussi le canon monstre peut-il continuer à tirer. C’est « la grosse Bertha » que légitimement la pièce se nomme. Elle sort en droite ligne des ateliers d’Essen, et M. Krupp von Bohlen, qui n’est Krupp que comme prince-consort, mais qui par sa naissance était Bismarck-Bohlen, en revendique la paternité contre les usines autrichiennes. Ses accès sont intermittens ; la plupart du temps, elle fait plus de bruit que de mal, et elle n’a fait, l’autre jour, un très grand mal que parce qu’un de ses obus est venu s’abattre sur une église pendant l’office du Vendredi saint. Mais cet accident encore a fait et fera beaucoup pour « l’Union sacrée. » Les représentans les plus qualifiés des différens cultes ont tenu à honneur d’écrire au cardinal-archevêque de Paris pour lui exprimer leurs sentimens d’indignation et de réprobation. Naturellement aussi, le cardinal s’est tourné vers Rome. Il y a crié sa douleur. Et il a reçu du Souverain Pontife cette dépêche : « Le Saint-Père, déplorant que le sanglant conflit qui a déjà causé de toutes parts tant de souffrances ait fait de nouveau, le jour même de la Passion du Sauveur, d’autres victimes innocentes, exprime à Votre Éminence ses condoléances les plus profondes, envoie avec effusion à tous les fidèles de Paris sa bénédiction apostolique et désire savoir s’il y a lieu de faire parvenir quelque aide matérielle aux familles en deuil. » Mgr Amette a sur-le-champ rassuré le Saint-Père : toute aide matérielle a été donnée aux familles. Pourtant, nous nous sommes tournés et nous demeurons tournés vers Rome. Non à cause du lieu de la catastrophe, car Louvain, Nancy, Verdun, Reims étaient également consacrés ; non parce que c’est Paris ; mais à cause du jour et de l’heure, parce que c’était le Vendredi saint et qu’il était trois heures. Nous étions persuadés que de Rome allait partir la parole que seule Rome a le droit de prononcer, et nous en