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de notre ligne qui comprend la section de la ligne Hindenburg dont nous nous étions emparés devant Cambrai, et de nous en chasser. » Pourtant, ce n’est pas tout. « Sans aucun doute, l’ennemi espère que ses deux armées (celle qui attaque au Sud de la Scarpe et celle qui attaque au Sud de Cambrai) pourront réussir à faire leur jonction et par là à mordre largement sur le front britannique, récupérant toutes les tranchées du système Hindenburg, perdues il y a quatre mois. » Ce n’était pas encore tout, et l’on n’a pas tardé à voir qu’il s’agissait pour Hindenburg de bien autre chose que de récupérer même son Walhalla souterrain, son Wotan et son Siegfried, même son système au grand complet ; que ce n’était pas son système qu’il voulait, mais le nôtre.

Donc, ayant attaqué entre la Scarpe et l’Oise, le jeudi 21 mars dans la matinée, les Allemands avaient, quand vint le soir, « creusé dans les lignes britanniques deux poches : l’une, au Nord, dans le secteur de Croisilles ; l’autre, au Sud, dans le secteur de Saint-Quentin. » C’est, dans ce dernier secteur, au Sud, et sur les troupes de la Ve armée anglaise, que « l’ennemi a remporté ce jour-là son véritable succès, rejetant nos alliés des abords de Saint-Quentin jusqu’au delà de la ligne Tergnier-Saint-Simon, derrière le canal Crozat. » La nuit du 21 au 22 fut calme. Mais, le 22 au matin, l’attaque recommença sur toute la ligne, une soixantaine de kilomètres. Le centre britannique, qui avait tenu bon, maintenant débordé à droite et à gauche, fut obligé de se retirer. D’après un de nos meilleurs critiques militaires, qui a suivi de près les mouvemens de la bataille, et donné de leur enchaînement une analyse méthodique, les deux journées du 22 et du 23 forment un tout. Elles ne furent pas bonnes, ou même furent mauvaises pour nous, et « marquèrent un effort continu de l’ennemi qui l’a porté en deux étapes jusque devant la ligne Bapaume-Péronne-Ham. » Le 25, le Times ne craignait pas d’avouer, non sans quelque exagération, ni quelque précipitation : « On ne saurait se dissimuler que les Allemands ont brisé net la ligne de défense que nous tenions en France lorsque commença la grande bataille, le 21 mars. Sir Douglas Haig a été le premier à le dire, et il a indiqué l’endroit où la brèche a été effectuée. Notre ligne a été forcée sur un vaste front à l’Ouest de Saint-Quentin, le 22, dans l’après-midi. Entre Arras et Péronne, on peut dire que, dans l’ensemble, nos troupes semblent se retirer dans la direction de l’ancienne ligne que nous tenions au commencement de la bataille de la Somme, le 1er juillet 1916... L’objectif ultime de cette avance rapide et intense est manifestement le grand point stratégique d’Amiens. »