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pas non plus le désir. Néanmoins, M. France ne considère pas que le procès de Lemaître et le sien se puissent réunir ou confondre : « M. Lemaître se dédouble avec une facilité merveilleuse... Sa critique, indulgente jusque dans l’ironie, est, à la bien prendre, assez objective ; et si, quand il a tout dit, il ajoute : Que sais-je ? n’est-ce pas gentillesse philosophique ? » Assurément ! Lemaître sait très bien ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas ; il a confiance que ses « impressions » ne sont pas des lubies : et il juge à la rigueur les écrits dont il parle. Et M. France ? Également. A la vérité, ces deux critiques, et d’autres qui ont eu la même inclination vers le scepticisme, à les croire, l’on cherche leur scepticisme et l’on remarque leurs jugemens, si nets, le zèle de leur admiration, leur sévérité quelquefois. Ni La Harpe ni Geoffroy, ni les critiques les mieux pourvus d’une doctrine, il me semble, n’ont traité avec plus de rudesse un de leurs contemporains que Lemaître l’auteur du Maître de Forges et de la Grande Marnière. Le même auteur, M. France ne l’a pas traité plus doucement. Lemaître dit : « J’ai coutume d’entretenir mes lecteurs de sujets littéraires ; qu’ils veuillent bien m’excuser si je leur parle aujourd’hui des romans de M. Georges Ohnet... » Et il avertit ses lecteurs de ne prendre pas ces « bronzes de commerce » pour des œuvres d’art. M. France a intitulé « Hors de la littérature » le chapitre qu’n accorde ou qu’il inflige à Volonté, du même auteur ; et la conclusion : « Les romans de M. Georges Ohnet sont exactement, dans l’ordre littéraire, ce que sont dans l’ordre plastique les têtes de cire des coiffeurs. » Voilà les jugemens de ces deux sceptiques ! Et « que sais-je ? » Ils savaient, ce jour-là. Même, leur entrain dogmatique les empêchait d’examiner les circonstances atténuantes et de reconnaître à l’auteur de Serge Panine ce don qui manque à de meilleurs écrivains, le don de raconter... Qu’importe ? et ce n’est pas de la littérature !... Je le veux bien Mais ils néglige aient de songer que divers romanciers, autour d’eux, méritaient le même coup de massue accablante : certaines renommées ont flori et se sont épanouies, grâce à la patience de ces juges, qui les ont épargnées par hasard, comme il y eut quelque hasard dans le terrible choix qu’ils ont fait de M. Georges Ohnet. Ni La Harpe ni Geoffroy ne montrent moins d’hésitation dans leur critique habituelle, ni Ferdinand Brunetière n’a été plus impitoyable jamais que M. France qui, sur Emile Zola, prononce un tel verdict : « Son œuvre est mauvaise et il est un de ces malheureux dont on peut dire qu’il vaudrait mieux qu’ils ne fussent pas nés. » Après cela, M, France a l’air un peu de plaisanter, quand il écrit : « Je