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I

Quand les Français, en 1916, après la première surprise de Verdun, eurent rétabli devant cette ville un front défensif, les Allemands immobilisés continuèrent la lutte, moins pour prendre la place, devenue, à les entendre, un point quelconque, que dans un dessein d’un intérêt plus général.

Ils auraient provoqué avec plaisir les armées britanniques encore incomplètes à attaquer prématurément pour soulager l’armée française aux prises avec le Kronprinz. Un rapport de sir Douglas Haig, du 19 mai 1916, nous apprend que cette aide a été offerte et qu’elle a été sagement refusée par le commandement français. Par la suite, les Allemands continuèrent la bataille de Verdun pour user les Français, et épuiser d’avance l’offensive franco-anglaise projetée en Picardie pour l’été, et qui, dès le printemps, n’était plus un secret. De là les furieuses attaques de juin, celle qui aboutit le 9 à la prise de Vaux, et celle du 23, menée par dix-sept régimens sur le front Vaux-Thiaumont.

Il est admirable que, tout en supportant de tels chocs, la France ait pu préparer l’offensive de la Somme. Sur le champ de bataille occidental, l’armée de Verdun était l’aile à qui incombe le sacrifice, la résistance pied à pied ; c’était l’aile défensive, jouant le rôle de Davout à Austerlitz, de Masséna a Wagram. La Vle armée, sur la Somme, allait au contraire être l’aile offensive. La ténacité indomptable de l’une permet- trait à l’autre d’attaquer. Dans un ordre du jour du 11 juillet, le général Nivelle pouvait dire aux soldats de Verdun : « Grâce à votre héroïque ténacité, l’offensive des Alliés a déjà franchi de brillantes étapes... Pour permettre à l’offensive des armées françaises et alliées de se développer librement et d’aboutir bientôt à la victoire définitive, vous résisterez encore aux assauts de nos implacables ennemis. »

Les raisons qui ont fait choisir comme zone d’attaque les deux rives de la Somme se déduisent aisément. Les Alliés, voulant livrer une bataille franco-britannique, étaient amenés à attaquer à la limite commune des deux armées. Une marche par Bapaume sur Cambrai présentait d’ailleurs de grands avantages. Les armées allemandes en France ont dessiné, de septembre