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Alliés, les souverains germaniques, dans leurs États héréditaires. C’est là le grand succès de sa politique intérieure, et la guerre présente a encore aidé à l’affermissement de son pouvoir personnel en Bulgarie.

Quant à sa politique extérieure, elle appelle toutes les sévérités de l’histoire. Que de peines il s’est données pour arriver à être proclamé souverain indépendant et reconnu comme tel au prix d’un marchandage sans gloire ! Dans ses campagnes balkaniques, que d’erreurs et de fautes son ambition ne lui a-t-elle pas fait commettre ! Elles ont réduit en fin de compte ce joueur insensé à la condition misérable d’un vaincu, dépouillé d’Andrinople, de Rodosto, de Cavalla et des trois quarts de la Macédoine. L’attaque perfide contre les Serbes et les Grecs sera toujours qualifiée de coup de rage ou de folie.


VI

Avec l’aide des Austro-Allemands, l’armée de Ferdinand n’a pas eu beaucoup de peine à faire la honteuse besogne d’écraser la malheureuse Serbie. Elle est rentrée sans résistance dans Cavalla, que Constantin, « le Tueur de Bulgares, » a eu l’aberration de lui livrer, mais elle a manqué son coup sur Salonique, où les Puissances de l’Entente l’avaient prévenue. L’année suivante, elle a attaqué la Roumanie. Nous saurons un jour si la diplomatie cauteleuse de la Russie n’avait pas réussi à inspirer au cabinet de Bucarest une fausse sécurité quant à ses véritables dispositions. Prise entre deux feux, l’armée roumaine a été forcée de reculer et d’abandonner la Dobroudja. Le programme de revanche de Ferdinand est désormais rempli au delà de ses espérances. A la Macédoine entière, Monastir excepté, il a ajouté la belle vallée de la Morawa, le plus riche morceau de la Serbie, qui le met en contact direct avec la Hongrie, au quadrilatère bulgare du traité de Bucarest, repris aux Roumains, toute la Dobroudja, que la Roumanie avait mis tant de soins à coloniser. Et voici que la Russie, dont il pouvait encore redouter un vigoureux effort offensif, abandonne la lutte. Ainsi gorgé et tranquillisé, il est prêt à faire la paix, en déclarant par la bouche de son ministre Radoslavof qu’il n’abandonnera rien de ses conquêtes.

Un bonheur aussi insolent est un défi à la morale et à la