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il lui tardait de faire figure de Prince indépendant. Mais, depuis la guerre russo-turque, la paix régnait en Orient, et la Russie, qui avait vu le traité de San Stefano annulé par le Congrès de Berlin, ne se souciait pas d’y rallumer des hostilités. Aucune Puissance n’était disposée à soutenir les ambitions de Ferdinand. Il alla à plusieurs reprises sonder le terrain dans les cours étrangères, notamment à Bucarest ; il n’en rapporta que le conseil de ne pas tenter l’aventure d’une rupture prématurée avec la Turquie.

A la satisfaction morale que lui aurait procurée l’indépendance complète, le peuple bulgare, encore plus sensible aux avantages matériels, aurait voulu ajouter quelque chose de tangible, des agrandissemens territoriaux immédiats. Ses convoitises se portaient invinciblement du côté de la Macédoine, où s’agitait une population bulgarisée, en lutte constante, non seulement avec les autorités turques, mais avec les communautés serbes et hellènes. Les attentats fomentés dans cette province par le cabinet de Sofia, les incursions des comitadjis, les répressions sanglantes ordonnées de Constantinople, forment un chapitre lugubre et monotone de l’histoire des Balkans à la fin du XIXe siècle et au commencement du XXe Les grandes Puissances, émues de cette longue série de crimes, obtinrent d’Abdul-Hamid en 1903 l’acceptation d’un programme de réformes, qui ne furent jamais que partiellement appliquées. Par un contre-coup naturel, les réfugiés macédoniens en Bulgarie, moitié patriotes et moitié bandits, prêts à toutes les besognes, y entretenaient une fermentation et une propagande que le gouvernement, après les avoir excitées, aurait craint d’enrayer. L’effet s’en fit sentir dans les événemens auxquels la principauté allait être mêlée.

Dans l’été de 1908 la révolution éclate soudainement à Salonique et triomphe à Constantinople. L’occasion de secouer son vasselage nominal s’offrait d’elle-même à Ferdinand. Je tiens d’un témoin très digne de foi, qui se trouvait en ce moment-là à Sofia, que les chefs de l’armée, toute préparée à une action énergique, pressèrent le Prince de marcher à la tète de ses troupes sur Constantinople, en appelant à la liberté les chrétiens ottomans. Que pouvait-on lui opposer ? Le corps d’armée révolutionnaire de Salonique et celui de la garde en garnison dans la capitale. Ce dernier aurait été jeté dans le