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chai la main, pour les caresses, que me fit sa Seigneurie, que Dieu protège ! »

Le mouvement ne s’était pas arrêté à Urbino. Tandis que Guido débarquait à Sinigaglia, tout son duché s’était insurgé contre la domination étrangère. Les lieutenans de César, surpris par la soudaineté du coup, tentèrent d’abord de réagir, c’est-à-dire de châtier les populations qu’ils pouvaient atteindre afin de terroriser les autres. Dans la plupart des places fortes, le peuple était maitre de la ville, mais la citadelle, la rocca restait aux mains des hommes de Borgia. À Pergola, Michele de Cordeglia, surnommé le Micheletto, vint au secours de la garnison, entra dans la ville et la mit à sac. Précisément, c’était là qu’était détenu le vieux et brave défenseur de Camerino, le fameux Giulio Varano, prisonnier sous condition. Micheletto, sur l’ordre de César, l’étrangla froidement, puis fit de même de sa femme et de ses enfans. C’était un principe, chez les Borgia, de ne jamais laisser en vie un rejeton quelconque, un vengeur possible de celui qu’on avait immolé. Comme il restait à Pesaro, un enfant de Varano, plus jeune encore, César le fit étrangler, aussi, devant l’église San Francesco. Par quel miracle, l’enfant ne succomba-t-il pas tout de suite ? C’est ce qu’on ignore, mais le fait est qu’après qu’il fût détaché, il donnait encore quelques signes de vie. Des âmes charitables le transportèrent à l’intérieur de l’église, où il semblait qu’il fût en sûreté. Il l’était, si un frère espagnol, qui se trouvait là, n’avait cru faire une bonne œuvre en le révélant. Les bourreaux revinrent et achevèrent leur besogne. De Pergola, Micheletto marcha sur Fossombrone, parvint à y pénétrer, grâce aux intelligences qu’il avait conservées dans la place et la saccagea. « Les soldats, dit un chroniqueur, y firent si grande cruauté que beaucoup de femmes, pour ne pas tomber entre leurs mains, se jetèrent dans le fleuve, avec leur enfant pendu à leur cou. »

C’était, là, tuer pour tuer et par amour de l’art. Au point de vue militaire, rien n’était plus funeste, car pendant que Micheletto et son compagnon espagnol Ugo de Moncade et aussi Bartolommeo de Capranica perdaient leur temps à couper des gorges inoffensives, au lieu de se retrancher vivement dans Rimini ou dans Fano, comme l’eût voulu César, les Confédérés de la Magione agissaient. Dès le 10 octobre, les secours qu’ils