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« Mon cher ami, je suis arrivée en bonne santé, je suis triste, mais calme. Je travaille. Dans cinq ou six jours, vous aurez une nouvelle appelée Mauprat [1]... Payez mes dettes, je vous prie, et donnez-moi surtout des nouvelles d’Alfred. Faites-m’en donner par Guéroult aussi. Ayez soin de mes enfans. Je vous les recommande. Vous avez été déjà bien bon pour eux, soyez-le encore. Adieu, mon ami. Si on parle de moi autour de vous, dites bien que je ne suis pas brouillée avec Alf., surtout qu’il n’a pas de torts envers moi... »

Visiblement, cette pensée des torts qu’on pourrait imputer à Alfred la préoccupe, — et aussi la santé du poète. Comment aura-t-il pris la nouvelle de sa fuite ? Eli bien ! il s’est soumis, comme un homme qui est à bout.

Un peu plus tard, à Buloz, qui s’inquiétait et se demandait si tout cela n’allait pas recommencer :

« ... Je vous remercie de votre bonne volonté, je suis parfaitement bien ; soyez sûr qu’il n’y a plus de danger pour moi. Je ne reverrai point A..., et, si je suis forcée de le voir une fois, ce sera la seule. Je suis tranquille, je suis en bon chemin de guérison morale sous tous les rapports, et n’ai nulle envie d’échanger cette bonne disposition pour les agitations de l’amour. J’en ai assez comme cela... Vous êtes bien bon pour Maurice ; mille fois merci, et adieu. Je travaille.

« GEORGE [2]. »


Mais voici qu’elle projette un voyage en Suisse, « fin d’avril : » « Je ne veux pas retourner à Paris avant que le danger de retomber dans ma galère soit passé, car on ne guérit pas en un jour, et j’ai été blessée grièvement. Adieu, ayez donc toujours soin de mes pauvres mioches que je suis toujours forcée de fuir... » Quelques jours plus tard, elle annonce qu’elle ira à Paris pour embrasser ses enfans, « mais je n’irai pas à Paris même, je me tiendrai aux environs, à moins que M... ne soit parti de son côté... » Et elle ne veut voir « absolument personne. »


MARIE-LOUISE PAILLERON.

  1. Mauprat, à l’origine, ne devait être qu’une nouvelle.
  2. Inédite.