Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/746

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’élite qui, à la dernière minute, lorsque le barrage d’artillerie a passé au-dessus de leurs têtes, sortent d’un trou avec une mitrailleuse et la mettent en action derrière le moindre abri du terrain, — revanche remarquable de la valeur individuelle contre le déchaînement de la matière. Mais pour réduire ces résistances isolées, l’infanterie dispose de moyens propres plus puissans que par le passé (grenades à fusil, canons d’accompagnement), et un nouvel engin, le tank, va droit au nid de résistance pour l’écraser.

En résumé et pour ne point trop nous étendre, les moyens offensifs de la guerre ont repris le dessus sur les moyens défensifs.

C’est l’expérience qui nous dicte cette conclusion. Chaque fois que nous nous sommes assuré pour la bataille une supériorité de moyens matériels suffisante, chaque fois que nous avons proportionné les moyens au but, nous avons pu conquérir, avec peu de pertes, des positions ennemies même fortement organisées.

Dans la guerre de tranchées, les batailles défensives coûtent plus cher que les batailles offensives. Il a été prouvé que, dans la bataille de Champagne (septembre-octobre 1915), où cependant notre attaque ne put franchir les deuxièmes lignes allemandes, les pertes ennemies furent très supérieures aux nôtres. De même, dans la bataille de la Somme, nous avons usé aux Allemands plus de divisions que nous n’en avons nous-mêmes engagé [1]. Le phénomène est général ; il résulte du rôle prépondérant que joue, dans la bataille actuelle, la supériorité en matériel et surtout en artillerie. L’assaillant a toujours, plus ou moins complètement, l’avantage de la surprise ; il a choisi son point d’attaque, en vue de l’emploi efficace du matériel dont il dispose ; il y a accumulé ses moyens. Nécessairement, pendant les premiers jours de l’action tout au moins, il a sur le défenseur une supériorité marquée en matériel et en munitions.

Aussi, quand la préparation d’artillerie est bien faite, quand l’infanterie d’assaut s’avance, précédée d’un barrage d’artillerie suffisamment dense, constate-t-on régulièrement que les pertes pendant l’attaque même sont très faibles. C’est

  1. D’après des communiqués du G. Q. G.