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des gages territoriaux qu’elle détient n’aura plus qu’une faible importance. Mais, pour que l’Allemagne se croie vaincue, pour que le peuple allemand lève les mains, il est nécessaire qu’il ait perdu confiance dans son armée, il est nécessaire qu’il n’ait plus assez de réserves intactes en hommes, en canons et en munitions pour alimenter ou pour reprendre la lutte. Ce n’est que par le combat, — par une série de combats successifs, — que nous userons les ressources en hommes, en matériel et en munitions de l’Allemagne. Puis, lorsque notre supériorité en hommes, en matériel et en munitions se sera définitivement affirmée, ce n’est que par le combat que nous désorganiserons un jour l’armée allemande et que nous la contraindrons à la retraite. La victoire militaire ne cesserait de nous être indispensable que si, en Allemagne, l’arrière cessait de tenir ; rien ne nous autorise à nous guider d’après une hypothèse aussi favorable à nos intérêts.

Sous quelle forme peut-on concevoir ces batailles d’usure indispensables, puis ce choc final ?

Depuis que la Russie a été mise hors de combat, la guerre se poursuit sur un seul front de bataille, de la mer du Nord à l’Adriatique. Sur toute l’étendue de ce front, chacun des deux partis oppose à l’ennemi, non pas une ligne de tranchées, mais plusieurs lignes continues s’échelonnant en profondeur, défendues par tous les engins modernes, couvertes par les feux d’une formidable artillerie.

Une seule solution de continuité existe : c’est celle qu’ouvre le territoire suisse, il est indubitable que l’Entente ne violera pas la neutralité suisse ; tous les précédens, tous les principes qui nous ont toujours guidés, en font foi. Nos adversaires, qui ont déjà violé la neutralité belge, n’ont pas les mêmes raisons de s’abstenir. L’hypothèse ne doit pas être négligée ; il est évident qu’elle n’a pas échappé à notre Commandement.

En dehors du front principal, deux théâtres d’opérations secondaires sont ouverts : le front de Salonique et la Palestine. Il nous est impossible de les négliger ; il peut s’y passer des opérations importantes ; il ne semble pas cependant que ces opérations puissent avoir des conséquences décisives pour la suite de la guerre.

Suivant toutes les probabilités, suivant toutes les vraisemblances, le sort de la guerre mondiale se jouera sur le front