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ibérique. Un surcroît d’ennuis, car la Péninsule est depuis longtemps un terrain de culture favori de la propagande allemande ; et, sinon le prince de Ratibor, qui a d’autres goûts, son ambassade entretient avec les anarchistes des relations sur lesquelles le journal El Sol, à défaut de verser des torrens de lumière, projette peu à peu quelques rayons. Mais ce n’est pas dans le seul sac anarchiste qu’on prend la main de l’Allemagne ; elle la fourre dans tous les sacs. Les crises espagnoles, qui se répètent et s’exaspèrent, et qui sont plus que ministérielles, sont dues aux Juntes militaires et civiles, c’est entendu ; mais à qui sont dues les Juntes ? L’ordre réel ne se rétablira ni par la formation d’un nouveau ministère, fût-ce un grand ministère, sous la présidence de M. Maura, assisté de M. Dato, du comte de Romanonès et de M. Garcia Prieto, ni par de nouvelles élections qui du reste n’ont rien changé, ni par un programme royal de réformes.

Le mal de l’Espagne est le mal d’une nation et d’une société, où se mêlent les fins et les commencemens, qui pourra bien, si l’on sait reconnaître et séparer le bon grain de l’ivraie, aboutir à un travail de renaissance. Mais c’est d’abord le mal d’une nation, et ce mal d’une nation est le mal de toutes les nations. Le monde tout entier est malade de l’infiltration, de l’invasion allemande. Partout l’Allemand se présente comme le despote, l’espion, l’ennemi du genre humain. Le dilemme est le même pour tous les pays, grands ou petits, belligérans ou neutres. Ou l’humanité fera ce qu’il faut pour se guérir du fléau et s’en préserver. Ou la vie de l’humanité ne vaudra plus d’être vécue.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant,

RENE DOUMIC.