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pas l’offensive allemande ? » est devenue oiseuse : nous aurons cette offensive, et même nous l’avons. Du moins semble-t-il qu’elle soit très sérieusement engagée. Sur plus de quatre-vingts kilomètres, de l’Oise à la Sensée, les Allemands, le 21 mars, au matin, ont attaqué les positions britanniques ; « avec une vigueur et une énergie extrêmes, » ajouter état-major anglais, dont ce n’est pas la coutume de rechercher les épithètes. Il s’est passé, dans ce choc initial, ce qui se passera toujours lorsqu’il sera poussé énergiquement et vigoureusement ; l’assaillant qui est bien résolu à gagner un peu de terrain le gagne par places, quitte à le reperdre : il n’a qu’à y mettre le prix : « Les assaillans sont parvenus à franchir nos lignes d’avant-postes et à pénétrer dans nos positions de combat en un certain nombre de points. Les attaques exécutées en formations massives ont été fort coûteuses à l’ennemi qui a subi des pertes extrêmement élevées. » Mais cette introduction ne préjuge pas du tout de la conclusion. « La bataille continue avec une grande violence sur toute l’étendue du front. » C’est réellement une bataille suivie et nourrie : « Nous avons observé, au cours de la journée, de nombreux renforts en marche à l’intérieur des lignes allemandes. » Quarante divisions, puis quarante divisions. Et les meilleures dont les Allemands disposent ; celles qu’ils ont entraînées spécialement en vue de cette suprême affaire, « des unités de la garde, » de cette garde vingt fois détruite, vingt fois refaite. En même temps, sur le front français, dans toute la région de Reims et partout en Champagne, « l’activité de l’artillerie allemande s’est maintenue très violente, » préparant aussi des attaques qui ont été brisées, des tentatives de coups de main qui ont échoué. Le bombardement s’étend à la rive droite de la Meuse, et jusqu’en Woëvre. Avec « un battement » de quelques heures, qui en scande les mouvemens, la bataille va donc probablement se développer en une bataille générale ; encore ces premières passes ne sont-elles peut-être que des feintes. Mais, sur le point principal, il y a une certitude ; plus ou moins acharnée, plus ou moins opiniâtre, plus ou moins à fond, l’offensive allemande est déchaînée. Il a sonné une de ces heures d’histoire où le destin et la vaillance engendrent pour des siècles.

Toutes les raisons alléguées pour et contre tombent en présence du fait et n’auraient plus qu’un intérêt rétrospectif. On avait mal interprété, si elles avaient été bien rapportées, les paroles de Hindenburg, à qui il était arrivé une étrange aventure : le traducteur avait, dans ses propos, oublié une négation. Au surplus, il n’importe ;