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un secret que de l’annoncer : d’ici peu, par le nombre et la puissance des appareils, comme par l’habileté et la hardiesse des pilotes, elle dominera bien plus incontestablement encore. L’aviation anglaise, l’américaine, la nôtre. Dans ce domaine comme dans les autres, dans l’air comme sur mer et sur terre, il est difficile de s’imaginer en sa plénitude riche de promesses, déjà en partie réalisées, l’énormité de l’effort américain. Qui n’en a pas été témoin, qui ne l’a pas vu de ses yeux et touché de ses doigts, ne peut que malaisément y croire et se le représenter incomplètement. Qui l’a vu et touché en demeure émerveillé. Sur le vieux continent européen, secoué depuis plus de trois ans par les catastrophes les plus formidables, c’est l’autre hémisphère, c’est l’immense continent nouveau qui se déverse, et qui entreprend, le trouvant trop étroit ou trop lent, de l’élargir à sa taille, de l’accélérer à son rythme, de le machiner à sa manière et d’en changer la face. Tout l’Océan arrive vague par vague. L’Allemagne, au début, affectait d’en sourire ; aujourd’hui, elle s’en inquiète. Elle mobilise ses journaux, dans le dessein d’endormir ce souci par des contes étranges, dont l’absurdité frapperait tout autre peuple que l’allemand, le plus niaisement crédule qui ait jamais vécu. D’abord, les Américains ne viendraient pas ; ils avaient déclaré la guerre, mais ce n’était que pour la forme, et en quelque sorte pour la frime ; ce n’était qu’un simulacre, qu’une grimace. Ensuite, les premières troupes du général Pershing sont montées en ligne ; du fond de leurs tranchées, les soldats allemands étonnés en ont aperçu le drapeau et les chapeaux si caractéristiques ; sur quoi on leur a persuadé qu’ils n’avaient devant eux que des Anglais, déguisés en Américains. Enfin, tel ou tel de ces détachemens a été engagé ; on lui a tué quelques hommes, on lui en a pris quelques-uns, qui ont été interrogés ; ne pouvant plus tout cacher ni tout nier, on s’est résigné à convenir qu’il y avait en France une division américaine, mais en assurant qu’il n’y en avait qu’une, et que, dans l’avenir, il n’y en aurait pas davantage. Soit, ne réveillons pas l’Allemagne avant l’heure ; il est bon que ce soient les États-Unis eux-mêmes qui se chargent de la détromper. Aussi bien le démenti sera rude, et ne portera pas seulement sur la quantité. L’Amérique prouvera sa valeur militaire par la qualité du travail. Mais nous qui sommes tout près, et qui pouvons voir, regardons. S’il nous fallait un motif de plus, non de tenir ni d’espérer, mais d’être sûrs et de vouloir jusqu’au bout, chaque navire, sous pavillon étoile, qui entre dans un de nos ports, nous l’apporte.

La question, souvent posée cet hiver : « Aurons-nous ou n’aurons-nous