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alluvions le vallon de l’Ailette. Deux panonceaux de notaires, quatre hôtelleries, deux agences d’assurances, une fabrique de sucre, un bureau de la Société Générale pour le développement du commerce et de l’industrie, attestaient avant la guerre toute la prospérité de ce chef-lieu qui occupait, en outre, un pharmacien et deux médecins, attirés notamment dans cette commune rurale par l’importance d’un hôpital dont la fondation est due aux libéralités d’un riche habitant de la contrée. Les dimensions de la halle sont visiblement adaptées à l’importance du commerce des grains où les agriculteurs du Soissonnais et les meuniers des moulins de l’Ailette trouvaient depuis longtemps mainte occasion de gros et légitimes profits. Le premier mercredi de chaque mois était un jour de foire aux bestiaux. Le café du bourg regorgeait alors de vendeurs et d’acheteurs qui, après les marchés faits, encourageaient par leurs emplettes le commerce de l’horloger-bijoutier, des trois charcutiers, du fabricant de chaussures, des deux marchands de draperie, rouennerie et nouveautés. Les enseignes que l’autorité allemande n’a pas fait décrocher de la devanture des boutiques nous entretiennent encore d’un trafic régulier, paisible, cossu, qui, dans la suite ininterrompue des travaux et des jours, passait habituellement de père en fils et de génération en génération. Blérancourt était aussi une petite cité de bourgeoisie bien pourvue de rentes annuelles et de terres au soleil. Un propriétaire de Blérancourt, M. Florelle de Saint-Just, dont le logis existe encore, avec une charmille et un bout de jardin tout plein de souvenirs, eut un fils très turbulent, qui devint, comme on sait, un conventionnel fameux. Enfin, au croisement des routes de Coucy et de Chauny, on voit les restes imposans d’une demeure seigneuriale qui fut autrefois la résidence des marquis de Gesvres, descendans d’un secrétaire d’État fort dévoué à l’intérêt public sous Henri IV, et d’un officier général, mestre de camp de cavalerie, maréchal des camps et armées du roi, mort au champ d’honneur, le 4 août 1643, en combattant les Allemands à Thionville, après avoir reçu trente-deux blessures devant l’ennemi.

Deux pavillons de style très noble, construits et ornés au temps de Louis XIII, commandent l’entrée du parc qui jadis entourait de ses verdures et de ses ombrages le château de Blérancourt. Du château des marquis de Gesvres il ne reste que