les honneurs du prétoire à ce vénérable citoyen. La chose produisit grand bruit et Bourdon, ne redoutant point la mise en scène, jugea qu’il aurait intérêt à compter le centenaire au nombre de ses jeunes disciples, et réclama que celui-ci lui fût livré. La requête exaucée, le chef d’institution s’empara de « l’illustre vieillard, » sous le prétexte d’inspirer le respect de son grand âge à ses pensionnaires. L’effet de cette réclame ne pouvait pas, comme on le pressent, se prolonger bien longtemps ; mais Bourdon avait l’esprit fertile : s’inspirant des usages de l’ancienne Université, il offrait au public des séances académiques dont ses élèves remplissaient tous les rôles ; c’est ainsi qu’on le vit représenter un spectacle plein d’intérêt, montrant « ce qu’avait été l’éducation sous l’ancien régime, comparée à ce qu’elle était sous le règne de la liberté[1]. » À la distribution des prix, en juin 1793, les parens eurent la douce satisfaction de voir les écoliers, formant un parlement en miniature, « délibérer sur les affaires de leur petite république ; » à cette scène succéda le réjouissant spectacle de « la tenue d’un tribunal, des juges, des jurés d’un accusateur public, de prévenus jugés suivant les formes républicaines[2]… »
Hors de leur collège, les élèves du citoyen Bourdon paraissent avoir été moins favorablement appréciés : en promenade au Jardin des Plantes, leurs chansons obscènes font fuir les visiteurs du Muséum[3], et un rédacteur de la Gazette française raconte avoir rencontré par les rues le fameux éducateur, « suivi de sa meute de polichinelles, » marchant, tambours en tôle, parmi les huées du public qui s’apitoie sur le sort de « ces malheureux enfans, pour la plupart orphelins, auxquels on insinue chaque jour le poison empesté des maximes de Bourdon[4]. » Robespierre, d’ailleurs, n’en avait pas jugé autrement : il notait le personnage « intrigant méprisé dans tous les temps ; rien n’égale la bassesse qu’il met en œuvre pour s’emparer de l’éducation des Élèves de la Patrie qu’il dénature et qu’il déshonore[5]. »
- ↑ Le Sans-Culotte, 8 vendémiaire an III, cité par Aulard, Réaction thermidorienne, I. 123.
- ↑ Biré, Journal d’un bourgeois de Paris, IV, 243.
- ↑ Dauban, Paris en 1794, p. 64.
- ↑ 10 ventôse an III. Cité par Aulard, Réaction thermidorienne, I, 513.
- ↑ Papiers inédits trouvés chez Robespierre, II, 20, 21. Cité par Braesch, La Commune du 10 août 1792.