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CHRONIQUES DU TEMPS DE LA GUERRE

III [1]
UNE ÉTOILE PASSA


… Ils jouent et rient avec la mort. Ils chantent tour à tour la patrie et l’amour.
Bonaparte.


C’était un coin charmant, ce Nieuport de l’époque française, — le « Groupement de Nieuport, » comme il s’intitulait, — quelque chose d’excentrique, une espèce de bout du monde perdu là-haut dans le Nord tout à fait à l’extrémité des lignes, à peu près oublié et presque sans histoire, heureux par conséquent, s’il faut en croire le proverbe.

D’abord il y avait la mer. Cela a beau n’être que la mer du Nord, une des plus tristes du globe avec ses fonds de sable qui lui donnent une mine terreuse de lagune, tout le monde n’a pas le privilège de se battre dans des paysages de Ruysdaël et de van de Velde. Et aujourd’hui comme de leur temps, c’est toujours le même caractère attachant de ces immenses campagnes des Flandres : les deux plaines, la plaine liquide et celle des pâturages, — ces deux horizons moutonnans avec leur toison de haies ou leur toison de vagues ; — ces deux mondes à peine dégagés l’un de l’autre, comme dans une nature amphibie, une création inachevée où continue encore l’œuvre du

  1. Voyez la Revue des 1er  décembre 1917 et 15 février 1918.