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de la musique a fait le succès de l’opéra-comique. Au gré de juges sévères, la même cause en ferait surtout l’équivoque, ou la faiblesse, ou le néant. « Assez beau type du genre faux, » a dit l’un. « Joli monstre, » a renchéri tel autre. On comprend encore qu’un métaphysicien allemand ait traité « l’opérette, » ou le « petit opéra, » de « genre mixte ou inférieur, où se mêlent, sans se combiner intimement, les paroles et le chant, ce qui est musical et ce qui ne l’est pas [1]. » Mais il paraît plus singulier que notre XVIIIe siècle ait parfois méconnu, — du moins en théorie,— un art qui, plus que tout autre et de plus d’une manière, était sien. Grétry pourtant, Grétry lui-même avoue dans ses Essais, qu’il lui « fallut quelque temps pour s’habituer à entendre parler et chanter dans une même pièce. » « On sent assez, déclare à son tour le président de Brosses, que cette bigarrure de chant et de déclamation ne serait pas supportable. » Elle a su néanmoins, avouez-le, se faire non seulement supporter, mais chérir. Aussi bien, il est arrivé que ceux-là mêmes qui réprouvaient ce partage, l’ont plus tard, quitte à se contredire, admis et consacré : les uns, comme Hegel ou de Brosses, en paroles ; un autre, Grétry, en paroles également (voir encore les Essais), mais surtout en musique, et par les chefs-d’œuvre de sa propre musique.

Sur les rapports ou le régime commun de la parole et de la musique, soit qu’elles se suivent, soit qu’elles se mêlent, on peut faire, en écoutant nos vieux opéras-comiques, plus d’une réflexion. Chacun sait que, de tous les musiciens dramatiques, Grétry fut l’un des plus étroitement attaches aux règles, non seulement de la déclamation, mais de la prosodie. Il n’en est pas moins vrai que la célèbre romance de Richard : « Une fièvre brûlante, » le chef-d’œuvre du chef-d’œuvre, est d’abord notée, pour ainsi dire, en porte-à-faux : entendez par là que l’accent musical tombe, à la fin de chacun de ces trois premiers mots, sur une syllabe muette. Mais telle est ici la force de la musique, qu’elle emporte, qu’elle sauve tout, et que son mépris même pour la parole n’enlève rien à sa toute-puissante, à sa victorieuse beauté.

Autre chose : il se rencontre maintes fois, au cours d’une action théâtrale, des propos sans importance, comme l’événement ou l’incident qui les amène. Tel est le cas, dans Richard Cœur de Lion encore, de deux petites scènes épisodiques : dans la première, il est question d’un billet amoureux, apporté, devant Blondel, à « la belle Laurette, » (C’est de la part du gouverneur » ; ) dans l’autre scène, en

  1. Hegel.