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pour la plupart très rapidement, à cause de leur petitesse et de la résistance de l’air, si bien qu’à quelques mètres du lieu d’explosion elle est généralement faible. Pour éviter tout malentendu, j’appellerai, chirurgicalement parlant, projectiles à faibles vitesses ou projectiles non perforans ceux qui sont arrêtés dans les tissus qu’ils ont blessés ; l’expérience montre que ces projectiles sont en très grande majorité des éclats, et que les balles ricochées ou à fin de course n’y entrent qu’en infime proportion. J’appellerai, au contraire, projectiles à grande vitesse ou mieux à grande force vive, ou projectiles perforans, ceux qui n’ont pas été retenus par les tissus et les ont traversés de part en part. L’expérience montre que ces projectiles sont en grande majorité des balles et que les éclats n’en constituent qu’une faible partie.

Cette définition est un peu arbitraire, comme toutes les définitions, mais elle suffit à ma démonstration et c’est tout ce qu’il est permis d’en exiger. Nous ne commettrons pas d’erreur sensible en supposant que les nombres des blessures par projectiles perforans et par non perforans sont entre eux comme les nombres de blessures par balles et par éclats.

Remarquons en passant que lorsque j’ai de même divisé les projectiles en deux catégories, à propos du traitement des plaies de guerre, je les ai différenciés d’une manière analogue, mais pourtant un pou différentes de celle-ci, car il y avait à considérer alors, non pas tant la vitesse restante des projectiles que leur forme et leur degré de souillure.

Les statistiques chirurgicales ont donc montré dès la fin de 1914 que les blessures par projectiles à faible vitesse étaient la majorité. Certaines de ces statistiques déjà anciennes que j’ai sous les yeux indiquent que la proportion de ces blessures est dès cette époque généralement supérieure à 60 pour 100. Ce chiffre n’a pu qu’augmenter depuis par la multiplication des projectiles explosifs divers et l’importance de plus en plus grande des tirs d’artillerie.

Effectivement, d’une statistique complète communiquée à l’Académie de Médecine à une de ses toutes récentes séances par M. le Dr Tuffier et qui porte sur l’ensemble des résultats chirurgicaux de la grande offensive de l’Aisne, en avril 1917, il résulte que 72 pour 100 des blessures constatées étaient dues à des éclats de projectiles, et 17 pour 100 à des balles.

On comprend dans ces conditions que tout moyen qui protégerait totalement des éclats, fût-il inefficace contre les balles, éviterait