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Les autorités navales avaient reconnu qu’il était absolument impraticable de construire assez de destroyers pour convoyer les milliers de bâtimens à marche lente à travers l’Atlantique. Si des voiliers de mille tonnes, bien gréés, avaient pu trouver à leur entrée dans la zone de guerre assez de patrouilleurs pour les remorquer à grande vitesse jusqu’au port, on aurait pu envisager l’emploi des bateaux en bois ; mais, comme on ne disposait de rien de pareil, on dut reconnaître que le bâtiment de bois, livré à lui-même, était incapable d’échapper. « Nos Alliés de l’autre côté de l’Océan, disent non sans humour les Américains, attendaient de nous quelque invention géniale, qui anéantirait les sous-marins ou du moins les rendrait inoffensifs. Mais la seule découverte tangible que nous ayons faite, c’est que la vitesse est l’unique sauvegarde et que, plus elle est grande, plus grande est la chance d’échapper. » A l’allure de 7, 8 et 9 nœuds, 90 à 100 pour 100 des navires attaqués sont coulés ; à 10 nœuds 70 p. 100 sont atteints. Or la grande majorité de la marine marchande se compose de types qui, chargés, marchent à moins de 10 nœuds. A 12 nœuds la moitié des bateaux se sauvent et leurs chances de se soustraire aux torpillages augmentent avec leur vitesse jusqu’à 18 nœuds où, pratiquement, ils deviennent presque invulnérables. Ce n’est pas que, filant à cette allure, ils puissent mieux fuir devant l’ennemi invisible ; mais c’est qu’au-dessus d’une certaine rapidité une cible mouvante est, pour le sous-marin, infiniment plus difficile à atteindre à grande distance.

Pour cette même cause l’armement défensif augmente la sécurité d’un navire rapide beaucoup plus que celle d’un vaisseau lent, parce qu’avec le premier le sous-marin qui a manqué son coup ne peut pas le recommencer. La formule adoptée est donc de fabriquer des bateaux capables de faire couramment 12 nœuds, avec une réserve de vitesse leur permettant de marcher à 16 nœuds dans la zone dangereuse, à l’approche des côtes, durant les trente-six ou quarante dernières heures de la traversée. Une quille plus courte, une forme plus élancée, doivent augmenter la capacité de manœuvre de ces nouveaux transports, dont l’expérience de dix mois de guerre sous-marine a seule permis à nos Alliés d’établir les données précises.

Au début, le général Gœthals lui-même s’était borné à passer des contrats pour des navires de 10 nœuds et demi et 11 nœuds.