Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royaume Louis-Philippe d’Orléans, le chargeant ainsi de gouverner jusqu’à ce qu’un pouvoir définitif eût été institué.

Réfugié à Saint-Cloud, puis à Trianon, le Roi, bien que son consentement ne lui eût pas été demandé, donnait son adhésion à cette mesure, retirait les Ordonnances, cause de tout le mal, et abdiquait en faveur du duc de Bordeaux ; il mettait le petit prince, alors âgé de dix ans, sous la protection du lieutenant-général, dont le rôle, s’il l’eût accepté, eût été celui d’un régent. Enfin, il confiait au duc de Mortemart la mission particulièrement difficile en un tel moment de former un ministère qui ferait ratifier ces mesures par les Chambres. Ce brillant gentilhomme n’avait accepté que sur l’instante sollicitation du Roi une mission dont il ne se dissimulait pas les difficultés. Exécutée trois jours plus tôt, elle aurait eu chance de réussir. Maintenant, l’heure était passée et Mortemart fut plus attristé que surpris lorsqu’ayant porté à l’Hôtel de Ville les propositions du Roi, il lui fut répondu : « Il est trop tard. » Le 7 août, à Paris, la Chambre des députés, prenant acte de l’abdication de Charles X, mais évitant toute allusion au Duc de Bordeaux, déclarait le trône vacant et, « vu l’intérêt pressant, universel, y appelait S. A. R. le Duc d’Orléans et ses descendans à perpétuité, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture. » C’en était fait de la branche aînée des Bourbons.

Ces nouvelles tombèrent comme la foudre à Saint-Pétersbourg, et l’effet en fut décisif. C’est ici que se manifeste pour la première fois, avec éclat, ce besoin, voire cette volonté d’intervenir dans les affaires intérieures des États européens, même quand il n’y est pas intéressé, qui caractérisera Nicolas Ier et le transformera en un souverain Touche-à-tout dont les prétentions, pour la plupart inadmissibles, finiront par fatiguer et offenser toutes les nations. La chute et l’abdication de Charles X le consternèrent ; il perdait un allié, un appui contre la Grande-Bretagne. Mais quand le bruit commença à se répandre qu’à Paris existait un parti nombreux et déjà puissant qui voulait donner la couronne au Duc d’Orléans, la consternation s’aggrava d’une violente colère. Il voulait bien reconnaître Louis-Philippe comme lieutenant-général du royaume, puisque Charles X, en abdiquant, avait ratifié cette nomination, mais comme roi des Français, jamais. Il le déclare à Bourgoing dans deux audiences qu’il lui accorde avant que soient connues