Europe à Gallipoli. De là ils serrent de près Constantinople, clef de la chrétienté. Le monarque serbe, plus perspicace que les autres dynastes balkaniques et danubiens de son temps, embrasse d’un coup d’œil le danger prêt à fondre sur la péninsule entière. L’empire byzantin est trop affaibli, trop caduc, pour prolonger sa résistance. Au fantôme de la puissance grecque il faut substituer un empire serbo-byzantin, jeune et vigoureux, qui sera le boulevard des nations chrétiennes. Les hostilités pour l’exécution de ce vaste dessein éclatent en 1355. Tandis que les Serbes, aidés par Venise, contiennent en Dalmatie les Hongrois, maîtres de la Croatie, leur armée principale s’avance dans la plaine de Salonique. Mais Douchan meurt de la fièvre, le 20 décembre 1355, sans pouvoir atteindre la Cité impériale, vers laquelle s’envolait son ambition.
Le règne de Douchan Silni (Douchan le Fort) fut pour le peuple serbe l’apogée de sa puissance et de sa civilisation. L’enthousiasme des historiens nationaux est allé jusqu’à le comparer à Charlemagne. C’est sans doute dépasser les limites de la réalité. Outre un curieux code de lois, le « Douchanov Zakonik, » il reste de lui un souvenir impérissable, auquel est étroitement unie l’image de la Grande Serbie du passé et de l’avenir.
Mais aux jours de gloire vont succéder les jours de deuil. La disparition de Douchan est le signal du réveil de l’anarchie féodale. Elle se développe aussitôt après la mort de son successeur, le jeune empereur Ouroch, le dernier des Némagnitch (1370). Les discordes des Serbes facilitent les progrès des Hongrois, aussi aveugles qu’eux sur l’imminence du péril turc. Les princes chrétiens du XIVe et du XVe siècle, sont tout entiers à leurs ambitions et à leurs querelles en présence de la plus redoutable entreprise de l’Islam contre l’Europe, car les nouveaux maîtres de l’Asie Mineure, les descendans d’Othman, sont parvenus à discipliner le fanatisme musulman, à lui donner une organisation militaire très supérieure à celle des États chrétiens. En 1369, le sultan Mourad Ier (Amurat) s’empare d’Andrinople. C’en est fait de la péninsule balkanique, si les nationalités qui s’y combattent n’oublient pas leurs misérables compétitions pour élever un mur de fer contre l’ennemi commun. Elles restent divisées et succombent tour à tour, la Serbie en 1389, la Bulgarie en 1395. A Nikopolis, l’année suivante, le roi Sigismond de Hongrie, qui a appelé à son secours une