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députés et la noblesse polonaise de la Chambre des Seigneurs du Reichsrath autrichien, des Polonais qui ont occupé ou occupent dans la monarchie les plus hautes fonctions gouvernementales, ministres ou anciens ministres, et, pour ainsi, dire anciens chanceliers, jusqu’au comte Agénor Goluchowski, ont élevé, dans leur indignation, une voix pareille à la trompette. Et, comme la frontière improvisée était moins solide que les murailles de Jéricho, au premier coup, elle s’est écroulée. Le président du conseil cisleithan, M. de Seidler, de la part du ministre commun austro-hongrois des Affaires étrangères, comte Czernin, a rectifié, non sans faire, des mobiles qui avaient poussé les Empires à des abus de générosité, une confession édifiante. Ce à quoi ils avaient tenu surtout, c’était à ce que « la République oukranienne mît à leur disposition l’excédent de sa production agricole ; » à ce qu’elle donnât, et tout de suite, à leur « héroïque population, autant que s’y prêteront des difficultés de transport extraordinairement grandes, les supplémens de denrées alimentaires qu’elle réclame à bon droit, qu’elle s’est mérités par de longues privations et par une résistance opiniâtre. » Mais, à présent que c’était fait, ou du moins que c’était signé, et que ces greniers d’abondance étaient à eux, qu’ils n’avaient plus qu’à les prendre, on pouvait bien réfléchir, et quelque peu se raviser, et un tantinet se dédire.

On le pouvait bien, puisque, « selon l’article 9 du traité de paix, toutes les dispositions de ce traité forment un tout indissoluble ; » que « les concessions faites par une des parties dans le traité dépendent ainsi de l’accomplissement de ses obligations par l’autre partie, » que la première concession faite par l’Oukraine, — concession dans tous les sens du mot, — était celle de l’excédent de sa production agricole ; » que, si elle n’était pas exécutée, il n’y avait plus de traité, il n’y avait point d’Oukraine, et que le traité devenait aussi caduc qu’il était léonin. « Les représentans de la Rada oukranienne et du gouvernement austro-hongrois, a précisé M. de Seidler, ont signé hier soir (18 février) une déclaration complémentaire, interprétant le traité de paix, d’après laquelle le gouvernement de Kholm ne revient pas à la République oukranienne, mais prévoyant qu’une commission mixte doit décider ultérieurement sur son sort d’après les principes ethnographiques et en tenant compte des désirs de la population. » Commission mixte, ou même commission tierce et, suivant la formule classique de la monarchie des Habsbourg, tripartita, car non seulement l’Autriche-Hongrie et l’Oukraine, mais la Pologne (quelle Pologne ?), y enverront des délégués. En face de la tempête qui