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en ces termes les dispositions ou résumait ainsi les instructions de M. de Kühlmann : « Le gouvernement parait clairement avoir l’intention de considérer l’indépendance des États frontières russes depuis la Finlande jusqu’au Caucase comme un fait accompli, de conclure une paix avec eux, de les rapprocher de l’alliance centrale et pratiquement de négliger le reste de l’ancienne Russie. » Les premières séances de la reprise s’écoulèrent toutes en récriminations. Tandis qu’à Petrograd Lénine se plaignait de « ne rien savoir de Trotsky, sinon que les Allemands l’avaient mis rigoureusement au secret, » à Brest-Litovsk même, le commissaire bolchevik aux Affaires étrangères reprochait à M. de Kühlmann, outre cette interruption des communications télégraphiques, les fausses nouvelles lancées par les agences allemandes ; M. de Kühlmann lui rétorquait le grief, en ajoutait d’autres ; et tous les deux s’accusaient réciproquement de la lenteur suspecte des pourparlers. De temps en temps on tirait de son silence renfrogné le général Hoffmann, confident et témoin de l’état-major, qui frappait la table du poing et qui déjà, dès le début, avait failli tout casser. Enfin, . le samedi 9 février, on annonçait officiellement, et simultanément par un communiqué allemand et par un communiqué autrichien, que, cette nuit-là, « à deux heures du matin, la paix avait été signée à Brest-Litovsk avec la République de l’Oukraine. » Le lendemain, dimanche 10, le président de la délégation russe, Trotsky, à son tour, annonçait que « la Russie s’abstient de signer un traité de paix formelle, mais déclare qu’elle considère comme terminé l’état de guerre avec l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Turquie et la Bulgarie, et qu’elle donne un ordre de démobilisation complète des forces russes sur tous les fronts. » Le 11, le feld-maréchal prince Léopold de Bavière offrait le dîner d’adieu, et, le 12 au soir, tout le monde était parti

A peine Trotsky avait-il regagné Petrograd que le Soviet exposait, dans une proclamation « aux ouvriers et soldats allemands, » les raisons de son attitude. « La Russie, écrivait-il, déclare terminée la guerre avec les peuples allemand, autrichien, bulgare et turc. Les dés sont jetés ! Les junkers et les capitalistes des puissances centrales ne veulent pas conclure la paix avec le gouvernement des prolétaires... L’impérialisme des puissances centrales ne veut à aucun prix relâcher les peuples qu’il a capturés... C’est une provocation à la révolution russe, un coup porté en plein visage au prolétariat du monde entier. La délégation russe à Brest-Litovsk a accepté le défi. » Et, avec une violence redoublée, après des incidens nouveaux : « Le gouvernement, allemand fait répandre la nouvelle que les troupes révolutionnaires