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guère de la politique internationale, des succès qui inquiétaient les propagandistes de la majorité. Un incontestable mécontentement se manifestait à droite contre le gouvernement. M. de Broqueville avait réussi, en 1913, à faire voter tout son programme de réorganisation de l’armée dont l’exécution devait se faire en cinq ans. Mais certains députés regrettaient quelque peu de l’avoir suivi et caressaient l’espoir de ralentir la coûteuse intensité de notre effort militaire, en reportant sur une période de dix ans les charges entrevues. Des comités se réunissaient ; on agissait sur les ministres, on tâchait de peser sur le président du Conseil. Le crime de Serajevo n’avait pas interrompu ces dangereuses menées. On réclamait l’envoi en congé de la classe de 1914, encore sous les drapeaux. Le ministre de la Guerre accéda à cette demande le 22 juillet. Il ne s’y était résolu que parce qu’une expérience récente lui avait donné une confiance absolue dans le mécanisme particulièrement perfectionné qui permettait de rappeler en vingt-quatre heures les réservistes. Certains groupes comptaient bien lui arracher d’autres concessions, en ce qui concernait notamment l’artillerie et la cavalerie, quand les illusions pacifistes furent tout à coup troublées, le 24 juillet, par la nouvelle de l’ultimatum adressé par l’Autriche à la Serbie. Le 4 août, ce Parlement, élu sous les préoccupations que l’on sait, devait faire face à une situation tragique entre toutes : la guerre franco-allemande avait éclaté ; l’Allemagne avait exigé le passage à travers le territoire belge ; le gouvernement avait refusé. Le bruit courait qu’une déclaration de guerre venait d’arriver à Bruxelles et que l’ennemi envahissait déjà le royaume.

Les députés de l’Est n’apportaient aucune nouvelle précise. La plupart d’entre eux étaient arrivés le soir dans la capitale et ceux qui venaient de débarquer à Bruxelles n’avaient recueilli que des rumeurs confuses et contradictoires. Assurément, ils avaient vu partout les signes avant-coureurs de la guerre. Les destructions ordonnées par le général gouverneur de Liège leur donnaient une vision atténuée des horreurs qui menaçaient le pays, tandis que les réquisitions poursuivies depuis plusieurs jours leur faisaient sentir la rigueur des exigences militaires. ironie ! n’avait-on pas, le 2 août, invité le ministre de la Guerre à modérer la hâte avec laquelle le général Léman poursuivait la mise en état de défense de sa place et dirigeait