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par elles-mêmes plus d’éloquence que les plus nobles discours. Ils témoignent chaque jour que l’âme belge n’a pas varié durant ces trois années de douleurs.

Le Parlement belge a siégé dans la matinée du 4 août 1914, à l’heure même où l’armée allemande, franchissant la frontière, commençait sa ruée sauvage sur Liège. Les scènes qui se déroulèrent alors dans les Chambres furent d’une si pathétique grandeur, dans leur simplicité, que leur influence se fait encore sentir aujourd’hui sur la nation prisonnière et sur la nation exilée, sur la vie de la Belgique martyre, mais indomptée. C’est pourquoi nous voudrions évoquer ces minutes historiques. Le 4 août 1914, c’est le pays tout entier qui a parlé par la bouche de son Roi, de son gouvernement, de ses représentans. Il a crié son ardeur guerrière, sa volonté de vivre libre, sa résolution de tout sacrifier au devoir. S’il importe d’oublier tout ce qui peut diviser les Belges, s’il faut effacer le souvenir des luttes politiques, si violentes dans ce laboratoire social, comme l’on a appelé l’industrieux petit royaume, il est bon, en revanche, de mettre en lumière les preuves magnifiques de l’esprit de concorde et de patriotisme qui, dès le début de la guerre, devint la règle de son effort.


Au moment de la mobilisation de l’armée, le 31 juillet 1914, le gouvernement avait résolu de convoquer les Chambres pour obtenir les crédits nécessaires et faire passer une série de lois de circonstance. Un arrêté royal du 1er août fixait au 6 l’ouverture de la session. Mais la réception de l’ultimatum allemand fit bientôt considérer cette date comme trop éloignée. Au cours du Conseil des ministres qui siégea au Palais royal, dans la nuit du 2 au 3, pour décider de la réponse à faire à la sommation de l’Empereur, la réunion du Parlement fut avancée au mardi 4. Le Roi annonça qu’il se rendrait au Palais de la Nation pour y prononcer le discours du trône. Dans la matinée du 3, les députés furent convoqués par télégramme pour le lendemain à dix heures, La journée se passa en préparatifs fiévreux. On pouvait s’attendre d’une heure à l’autre à l’invasion du territoire ; le Roi avait fait un suprême appel à l’intervention diplomatique de l’Angleterre. Dans le pays où la mobilisation battait son plein, la nouvelle de l’ultimatum se répandait de