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étaient de nouveau consacrés comme la loi fondamentale, le droit public, la charte de l’Extrême-Orient.


IV

Mais la Puissance perturbatrice, ouvrière d’intrigue et de nuisance, l’Allemagne, ne se tenait pas pour satisfaite. Les derniers arrangemens dont les questions d’Asie venaient d’être l’objet l’irritaient comme une maille de plus dans l’encerclement dont elle se prétendait victime. Il lui restait donc à saisir une fois encore l’arme coutumière qu’elle avait si bien en main, l’arma de division et de discorde, pour tenter de défaire tout le travail d’union et d’harmonie contre lequel son instinct et son intérêt protestaient. C’est vers la Chine et les États-Unis qu’elle se tourna pour les persuader que l’entente du Japon et des trois, Puissances européennes était une atteinte à l’intégrité du Céleste Empire, à la doctrine de la porte ouverte, et que les desseins du Japon, substitué à la Russie en Mandchourie, étaient d’autant plus menaçans que la Russie et le Japon poursuivaient désormais, et d’accord, la même œuvre de progressive absorption. En Amérique, d’autre part, grâce aux influences dont elle disposait, et par la propagande des journaux de M. Hearst, qui étaient déjà à son service, elle soulevait contre l’immigration japonaise, contre la main-d’œuvre des jaunes, contre la concurrence ainsi faite aux travailleurs blancs, la population et les Parlemens du Far West. Dès le lendemain du traité de Portsmouth, dès l’année 1906, cette double tactique était en action. La Chine et les États-Unis se demandaient si la menace japonaise n’était pas plus directe et plus dangereuse que n’avait été la menace russe. La Californie et les États de l’Orient profitaient de la suspicion ainsi créée pour entamer contre les Japonais une campagne qui devait se prolonger et s’étendre jusqu’au début de la guerre de 1914.

Au cours des années 1907 et 1908, le malaise causé par cette agitation succédant à une période d’amitié inaltérée était devenu si aigu, l’expansion du Japon dans la Mandchourie méridionale et en Corée avait si fort inquiété les États-Unis, et, d’autre part, le traitement dont les Japonais étaient l’objet dans des villes telles que San Francisco, où les autorités municipales refusaient d’admettre leurs enfans dans les écoles,